Nous proposons dans ce texte de présenter la mitswa de Chemitat kessafim ainsi que l'institution du Prouzboul d'Hillel hazaken. Rappelons de quoi il s'agit : la Chemitat kessafim est la remise des dettes qui a lieu à chaque fin de septième année, quant au Prouzboul, il s'agit d'une réforme (takana) visant à contourner cette mitsva en rendant possible le prélèvement des créances après la Chemita.
Généralement, on se limite à voir dans l'institution du Prouzboul un « artifice » légal employé par les Hakhamim lorsqu'ils sont contraints de contourner une mitswa à cause des circonstances exceptionnelles. Or, il me semble qu'Hillel recherche, au contraire, avec le Prouzboul une manière de prolonger la mitswa de Chemitat kessafim par delà les difficultés inhérentes de l'époque.
Pour retrouver l'enjeu de la "takana", nous devrons nous interroger sur la nature de cette "takana" qui annule la mitswa de Chemitat kessafim. Il nous faudra comprendre la sagesse qui est mise à l'oeuvre dans cette takana, bref, ce qui motive Hillel lorsqu'il institue le Prouzboul (...)
[...] Si Hillel annule la mitswa de Chemitat kessafim, en quoi s'agit-il d'une réparation de l'état qui préexistait jusqu'alors ? N'a t-il pas aggravé la situation en s'éloignant davantage de la mitswa de la Tora, qui enjoignait aux hommes d'annuler leurs créances ? N'était-il pas préférable de laisser les choses en l'état en espérant faire changer les comportements ? Le problème reste alors de savoir si le compromis trouvé le Prouzboul constitue une réponse adéquate au problème posé La sagesse d'Hillel fut surtout d'estimer qu'il ne s'agissait pas d'un accident de parcours, mais que ce nouveau comportement allait perdurer. [...]
[...] Le but n'est évidemment pas de réduire l'institution du Prouzboul à un arrangement avec l'Histoire. Néanmoins, si la Michna prend la peine de nous dire qu'Hillel institua le Prouzboul à cause du comportement des Juifs de son époque, il y a lieu de prendre connaissance de ce qui les a conduits probablement à se retenir de prêter. Contexte historique de l'institution du Prouzboul Quelle était la situation économique des Juifs à cette époque ? Hillel a vécu sous la domination d'Hérode et de l'empereur Auguste. [...]
[...] Ayant parfaitement compris l'intention de la Torah, Hillel estima que la transgression de l'interdit de se retenir de prêter la veille de la Chemita constituait une interdiction plus grave que le non-respect de la mitswa de remise des dettes. En instituant le Prouzboul, Hillel reste dans l'esprit de la mitswa de Chemitat kessafim : grâce à lui, les pauvres continuent à emprunter ce qui est de loin préférable à ne pas trouver de prêteurs, même si dorénavant les dettes ne s'annuleront plus dès lors qu'un Prouzboul aura été signé. Nous trouvons une discussion entre le Rambam et le Raavad sur le contexte dans lequel le Prouzboul a pu être institué. [...]
[...] Est-ce par manque de volonté du peuple juif ? Est-ce un peu des deux ? Est-il consolant de se dire que finalement l'essentiel est préservé puisque les pauvres trouvent où emprunter ? On peut, à propos du Prouzboul, parler de sagesse galoutique Il s'agit de faire en sorte que la Torah se conserve durant l'Exil. L'objectif d'Hillel ne fut pas d'en finir avec la mitswa de Chemitat kessafim, mais bien de trouver la place de cette mitswa dans le contexte particulier de l'Exil. [...]
[...] En effet, nous raisonnerons ainsi : si même lorsque je lui ai prêté mon argent la Torah peut exiger de moi que j'annule sa dette une fois passée l'année de Chemita, à plus forte raison le voler, la lui extorquer de force, dois-je m'en éloigner jusqu'à l'extrême Rabbi Avraham, le fils du Rambam, fait remarquer dans son commentaire sur la Torah que la mitswa de Chemitat kessafim est un acte de générosité encore plus grand que la Tsedaqa puisque, dans le cas de l'annulation des dettes, le pauvre n'est pas humilié. En effet, comme il s'agit ici en l'occurrence d'une obligation de la Torah incombant au créancier, le pauvre accepte cela beaucoup plus facilement. Il ne se sent pas diminué puisque le créancier ne lui accorde pas de faveur. [...]
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