Avec la libéralisation financière qui s'amorce au début des années 1980, la nature des crises ont changé, rendant le cadre institutionnel hérité de Bretton Woods largement inadapté. En effet, là où les crises concernaient des Etats en proie à des difficultés macroéconomiques (crise de première génération) ou en situation de vulnérabilité (crise de deuxième génération), elles concernent, depuis les années 1990, des institutions bancaires et financières privées avec des conséquences d'ordre macroéconomiques (crise de troisième génération). Comme l'écrit M. Aglietta : « il n'est pas étonnant dans ces conditions que la fonction de prêteur en dernier ressort du FMI soit sur la sellette. Car rien, ni dans ses statuts, ni dans la pratique du FMI, ne le rend compétent pour enrayer les crises de marché à virtualité de propagation mondiale ».
Depuis le 19ème siècle, lorsqu'une crise d'envergure touche une économie par le biais du système bancaire, les autorités monétaires ont tendance à intervenir en tant que prêteur en dernier ressort. Ce rôle, joué par les banques centrales nationales, permet de fournir des liquidités au système qui n'en trouve plus. La défiance mutuelle des banques, les incertitudes liées à l'instabilité conjoncturelle, peuvent entraîner deux conséquences difficilement distinguables dans les faits : (1) ou bien les banques n'acceptent plus de prêter, ce qui crée de l'insolvabilité par crise de confiance ; (2) ou bien les banques ne peuvent pas prêter suffisamment, ce qui crée de l'insolvabilité par défaut de capacité. Dans les deux cas, le marché bancaire ne suffit plus à lui-même, et une instance externe doit intervenir : le prêteur en dernier ressort.
Après la Seconde Guerre mondiale, les grandes puissances économiques, financières et monétaires ont souhaité élaborer un système financier mondial permettant d'éviter les tensions internationales. Au bout de quelques années, dès octobre 1960 dans les faits (le dollar n'a alors plus d'équivalent-or suffisant dans les réserves américaines), le système a perdu de sa crédibilité. La mise en flottement progressive des monnaies dans les années 1970, et la fin des contrôles des capitaux dans les années 1980, ont changé la donne pour aboutir à la succession de crise que nous venons d'évoquer. Là où l'ordre monétaire de Bretton Woods avait permis de nationaliser la fonction de prêteur en dernier ressort (PDR), les désordres financiers ont largement rendu obsolète ce cadre institutionnel. Si le FMI est parvenu à jouer le rôle de prêteur international en dernier ressort (PIDR) au cours des années 1990, il est sorti de cette expérience à bout de souffle, proche de la faillite. Le problème de la résilience du système financier international se trouve ainsi largement posée.
L'expérience des années 1990 a suscité de nombreux débats parmi les économistes à la fois sur l'efficacité des interventions du Fonds Monétaire Internatio-nal (FMI) au regard la stabilité future du système financier international, mais aussi sur la capacité du Fonds à endosser le rôle de PIDR. En effet les interventions du FMI en tant que PIDR ont été vivement critiquées en raison de leur manque de clairvoyance, ces dernières pouvant être considérées par les agents comme une assurance tacite contre les risques. Les débats ont aussi porté sur l'identité PIDR au regard d'un certain nombre de critères comme la création illimitée de monnaie ou encore la capacité de supervision bancaire pour la détection précoce des crises.
Ainsi, dans un premier temps, il convient de s'attarder sur le changement de contexte qui a rendu le cadre institutionnel de Bretton Woods inadapté face à des crises d'une autre nature ; puis dans un second temps, de s'intéresser aux débats qui ont émergé après les crises des pays émergents dans les années 1990.
[...] Après s'être intéressé à la question l'identité du prêteur en dernier ressort, S. Fischer a exposé quelques principes d'intervention afin de contenir l'aléa moral. Comme le rappelle l'ancien économiste en chef du FMI, il n'y a pas de solution optimale au problème de l'aléa moral. Toutefois, la meilleure solution consisterait à mettre en place un environnement institutionnel favorable à l'intervention du PDR en privilégiant trois pistes : - Promouvoir en premier lieu une régulation officielle qui prendrait la forme d'une supervision du système bancaire et des cycles d'endettement. [...]
[...] La redéfinition des ratios de solvabilité, selon l'évolution des marchés d'actifs, doit aussi être une priorité. Effet, cette redéfinition doit prendre en compte les nouveaux risques de marché et les intégrer par de nouvelles pondérations pour le calcul du ratio. Enfin, une dernière voie à approfondir serait de généraliser des mécanismes de garantie de dépôts ex ante au détriment d'une solidarité ex post afin de limiter l'aléa morale. Ainsi, comme nous venons de l'évoquer la préservation de la stabilité financière réclame un ensemble de politiques publiques qui ne doivent pas se limiter à une action curative. [...]
[...] Amendant les prescriptions de Bagehot, S. Fischer[8] soutient que le FMI est capable d'endosser le rôle de prêteur international en dernier ressort puisque l'expérience montre qu'il convient de différencier le rôle de prêteur et de coordinateur. Comme le souligne S. Fischer, l'histoire montre que les banques centrales ne sont pas les seuls prêteurs en dernier ressort en cas de crise. En effet, il convient de différencier, le rôle de prêteur (crisis lender) et celui de coordinateur (crisis manager). Le rôle de prêteur fait référence aux acteurs qui fournissent les liquidités au marché alors que le rôle de coordinateur concerne l'institution qui prend la responsabilité de gérer la crise. [...]
[...] Fischer, il existe trois raisons d'énoncer à l'avance les principes d'intervention : tout d'abord, en spécifiant ces principes d'intervention, le PDR réduit la probabilité d'un déclenchement de crises autoréalisatrices ; l'énoncé de principes va aussi dans le sens d'une stabilisation des comportements des banques qui sont incitées à détenir des titres sûrs pour avoir de bons collatéraux en cas de crise ; enfin, cet ensemble de dispositions règlementaires permet en quelque sorte de limiter la latitude d'action du PDR, son pouvoir discrétionnaire, après le déclenchement d'une crise. La capacité du FMI à exercer la fonction de prêteur international en dernier ressort a toutefois été vivement contestée. [...]
[...] Quelques semaines suffisent pour que la contagion régionale s'amorce. Une bonne partie des monnaies asiatiques s'effondrent dans un système devenu flottant par rapport au dollar, le pouvoir d'achat des ménages chute et les économies asiatiques entrent en récession. La crise touche un nombre important d'individus mais ne menace pas vraiment les pays développés. La Fed ne bouge donc pas. Le FMI se retrouve seul pour sauver les économies asiatiques et il va accorder des financements sans précédent : 17 milliards de dollars sont accordés à la Thaïlande en juin milliards de dollars vont à la Corée en décembre milliards de dollars sont réservés pour l'Indonésie en juin 1998. [...]
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