Si le National-hindouisme s'érige en opposition au multiculturalisme et se manifeste dans un rejet de la minorité musulmane parfois allant jusqu'au recours de la violence, le « nationalisme » se construit, de façon générale dans les pays du « Sud » à partir de l' « internationalisme », notion exaltée par les « Expositions universelles » du XIXème siècle des anciens colonisateurs. C'est en effet le contact avec le colonisateur anglais à façonner l'identité nationale du subcontinent. La Nation indienne doit en effet son origine aussi bien à la plus ancienne des civilisations qu'aux institutions héritées des Britanniques: la Déclaration d'Indépendance de 1947 prononcée en anglais, langue qui à l'époque est ignorée par 99% des Indiens n'en est que le signe le plus flagrant. C'est donc la mondialisation – dont l'acte de naissance est bel et bien la création de la Compagnie des Indes Orientales qui ouvrira l'Inde au monde à partir du XVIème siècle - qui permet la constitution de l'Etat-nation indien.
Or, après 50 ans d'isolationnisme prôné par le Parti du Congrès dont les mots d'ordre étaient le non-alignement, « la démocratie, rien d'autre que la démocratie » et une économie dirigée d'inspiration socialiste, la réouverture de l'Inde au marché mondial semble pouvoir bouleverser l'équilibre de la plus grande démocratie de la planète.
La montée en puissance du National-hindouisme, très souvent comparé aux fascismes européens par la presse occidentale n'est-il pas en effet le signal d'un repli sur soi face à une mondialisation interprétée par les Indiens comme un renouveau de l'impérialisme colonial ?
Si une analyse hâtive du rapport entre nationalisme hindou, mondialisation et modernisation économique se limitait à voir dans la victoire du Bharatiya Janata Party en 1998 une volonté forte du peuple indien d'un retour au « Swadeshi », doctrine économique protectionniste théorisée par les mouvements indépendantistes et abandonnée par le Parti du Congrès en 1991, cela serait négliger une composante importante du mouvement. En effet, comment interpréter l'affirmation de l'Inde comme nouvelle puissance économique du XXIème siècle sous le gouvernement du BJP en reléguant ce dernier à un simple mouvement réactionnaire prônant un retour à la tradition hindouiste ?
Nuancer les bases idéologiques du national-hindouisme contemporain devient dès lors indispensable : le BJP a bien évidemment su interpréter les changements apportés par la mondialisation au sein de la société indienne, toutefois il faut distinguer l'inquiétude de l'électorat traditionnel des national-hindouistes, paysans et castes religieuses notamment, de la volonté de puissance nationale à travers la mondialisation des « classes moyennes » (au sens indien du terme qu'on développera par la suite) qui représentent la composante la plus récente de l'électorat du BJP qui a permis à celui-ci d'accéder au pouvoir.
Ainsi, bien que les instances intégristes et traditionalistes soient encore bien présentes au sein du mouvement nationaliste, celui-ci a su accorder sa principale revendication, l' « hinduité », avec le développement économique et le rôle de protagoniste de la Nation indienne au sein de la mondialisation. Ces deux dernières seraient les moyens d'affirmation de la première.
Cela représente une évolution majeure pour la Démocratie indienne : si l'identification de la bourgeoisie naissante à l'intégrisme hindou savait ne pas rappeler la montée du national-socialisme dans la République de Weimar, l'attachement de ces mêmes classes à la Démocratie, garantie de stabilité économique ne semble pas – du moins pour l'instant- remis en question. Au contraire, la première alternance de 1998 qui a vu le BJP prendre le pouvoir et celle de 2004 qui a signé le retour des congressistes, signalent une nouvelle étape pour la Démocratie indienne : or, il est trop tôt pour affirmer avec certitude si cette nouvelle donne produira une intégration positive de la Démocratie indienne au sein de la communauté internationale aux cotés des démocraties occidentales ou bien une montée de l'hostilité envers l'Occident dans le cadre d'une compétition économique sans merci. Toutefois, loin d'être une simple manifestation du repli sur soi, le national-hindouisme est bien un des facteurs déterminant de la montée en puissance de l'Inde qui fera du subcontinent un des acteurs majeurs de la politique internationale du XXIème siècle.
[...] La redéfinition des clivages sociaux et politiques dans l'Inde mondialisée Dans son ouvrage La mondialisation vue d'ailleurs Jackie Assayag principal expert des questions indiennes à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, analyse la rupture de l'alternance de 1996 par une redéfinition des clivages sociaux et partisans suite à l'ouverture au monde de 1991. Dans l'Inde contemporaine on peut distinguer quatre classes sociales : les super have issus de l'élite philo-britannique ou des dynasties industrielles comme Tata, les have some composés par les castes aisées très souvent traditionalistes aussi bien que par les cadres supérieurs des nouvelles multinationales indiennes, les near-have nouvelles classes moyennes employées dans l' off-shore et l'industrie du software et les have not anciennes castes populaires ou paysans ruinés par la politique libre-échangiste adoptée après le plan de réajustement de 1991. [...]
[...] Privatisations, ouverture aux investisseurs étrangers et compétitivité en sont les mots d'ordre : si l'hebdomadaire The Economist ne cache pas son approbation pour l'action du national- hindouisme depuis son arrivée au pouvoir en minimisant la composante intégriste du BJP, les excellents résultats économiques atteints par celui- ci font de sa défaite et du retour du Parti du Congrès une véritable surprise. Toutefois, l'alternance de 2004 ne change en rien le fait qu'un fort sentiment nationaliste et une volonté de domination mondiale soient bien présents chez les classes émergentes. La puissance indienne est-elle une menace ? [...]
[...] La capitalisation boursière de Tata qui dépasse celle de General Motors, mais surtout le succès de l'OPA hostile des aciéries Mittal sur Arcelor avec lequel la quasi-totalité de la production d'acier de France, Belgique et Luxembourg passe en mains indiennes- mettent bien en évidence comment les rapports de force sont définitivement en train de basculer. Toutefois, la vraie particularité du succès indien réside dans le secteur des services : contrairement aux autres puissances émergentes qui basent leur croissance sur une rente énergétique ou sur un secteur industriel dopé par le faible coût du travail, l'Inde possède un tertiaire performant. [...]
[...] Bien sûr le succès du voisin chinois, qui occupe une place bien plus importante dans l'imaginaire d'une Asie de plus en plus centre du monde, donne de quoi réfléchir aux Indiens : leur Démocratie ne permet pas les mêmes marges de manœuvre en termes de déréglementation du Code du travail ou de maintien de l'ordre que la dictature chinoise. Risque-t- on alors de voir surgir un nationalisme autoritaire qui limiterait les droits sociaux de la plus grande partie de la population pour assurer ses rêves de puissance ? Il est peu probable. Avant les élections de 2004, le premier ministre Vajpayee rassurait la communauté internationale à Davos : la compétition internationale n'est pas un green de Golf où la Démocratie serait un handicap a-t-il affirmé. [...]
[...] La mondialisation vue par le National-Hindouisme: instrument de puissance ou menace néocoloniale? Si le National-hindouisme s'érige en opposition au multiculturalisme et se manifeste dans un rejet de la minorité musulmane parfois allant jusqu'au recours de la violence, le nationalisme se construit, de façon générale dans les pays du Sud à partir de l' internationalisme notion exaltée par les Expositions universelles du XIXe siècle des anciens colonisateurs. C'est en effet le contact avec le colonisateur anglais à façonner l'identité nationale du subcontinent. [...]
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