Alors que les analyses sur les effets de la crise des subprimes dans les pays occidentaux se sont accumulées dès le début de l'année 2008, nous nous devons de constater que les études portant sur le comportement de l'Amérique latine face à cette crise se sont faites beaucoup plus rares. Ce « manque d'intérêt » vis-à-vis de la situation du continent sud-américain semble surtout s'expliquer par l'attitude de certains dirigeants économiques ou politiques qui ont, pendant longtemps, refusé de considérer que cette crise représentait un danger pour le sous-continent. Cette « attitude » peut être entièrement résumée par un court extrait de la déclaration du 16 septembre du président brésilien Lula Da Silva : « Quelle crise ? Allez demander à Bush ! ». Luis Moreno, le président de la Banque Interaméricaine de développement affirmait même que la crise financière internationale allait « renforcer » les pays d'Amérique latine.
Le mois de septembre 2008 a, cependant, constitué une rupture dans la perception des effets de la crise sur le continent latino-américain : la dégringolade en chaîne des valeurs boursières dans les places financières du continent a rappelé que, dans une économie aussi globalisée qu'à l'heure actuelle, les crises ne connaissent pas de frontière. Le fait que, pendant ce fameux mois de septembre, la bourse argentine ait perdu 39% de sa valeur ou que celle du Chili ait reculé de 9,5% a ramené les responsables ibéro-américains à une dure réalité qu'ils vont devoir affronter après 5 années de croissance économique ininterrompue. L'indice MSCI Latin America, qui mesure la valeur des actions latino-américaines a chuté de 19,8% en septembre 2008. L'article de l'ancien secrétaire d'Etat mexicain aux Relations Extérieures, Jorge Castañeda, intitulé « La crise commence à affecter l'Amérique latine », publié le 25 octobre 2008 par El País , a alors constitué la première étape d'une approche plus réaliste des impacts de la crise sur ce continent. Le 24 octobre 2008, le président Lula lui-même affirmait que l'Amérique latine ne peut rester en marge de la crise des subprimes en déclarant : « Les progrès de nos pays sont menacés. La crise financière mondiale peut affecter de façon injuste et particulièrement dure les pays en développement ». Le débat n'est alors plus de savoir si, oui ou non, le continent latino-américain est affecté par cette crise mais bien quel va être le degré des conséquences inévitables de celle-ci.
[...] Ces pays souffriront inévitablement face à cette crise, car ils vont devoir affronter une demande décroissante à cause du ralentissement de la croissance mondiale. Les pays exportateurs de produits alimentaires, comme le Brésil ou l'Argentine, seraient classés dans une deuxième catégorie. Ils endureront bien sûr les effets négatifs de la baisse des prix des produits alimentaires, mais celle-ci s'avère limitée et transitoire. Nous savons ainsi que, dans les prochaines trente années, la capacité productive du monde en matière alimentaire va devoir augmenter de plus de 50% afin de répondre aux exigences nutritives véhiculées par une démographie galopante en Afrique et en Asie. [...]
[...] Deux problèmes majeurs se posent cependant dans ce resserrement des liens entre le vieux continent et l'Amérique latine. On peut en effet dire, dans un premier temps, que l'Europe est également fortement touchée par la crise financière et qu'elle n'a par conséquent pas les capacités d'accroitre sa demande vis-à-vis des pays d'Amérique du Sud. On pourra, bien sûr, trouver quelques contre-exemples comme le groupe pétrolier espagnol Repsol qui a annoncé son intention d'investir millions de dollars en Argentine, au Brésil et en Bolivie avant 2009, mais le panorama général demeure bien pessimiste. [...]
[...] Les effets de la crise des subprimes en Amérique latine présentent donc des temporalités différentes selon les pays auxquels l'on s'intéresse. Le problème de la coordination présente alors une importance majeure : comment des pays qui ne sont pas touchés de façon similaire par la crise et qui sont affectés à des périodes différentes pourraient s'entendre au sujet d'une quelconque réponse commune ? La crise financière a également remis sur le devant de la scène la nécessité pour tous les pays sud-américains de devenir moins dépendant vis- à-vis de l'économie étatsunienne et de ses soubresauts en se tournant plus vers le marché chinois. [...]
[...] Afin d'illustrer le danger que représente la crise financière sur les politiques sociales latino-américaines, prenons le cas de la Colombie. Précisons, dans un premier temps, que l'économie réelle de la Colombie a été très touchée par cette crise. Cette affirmation est d'autant plus vérifiable suite à la décision de la banque centrale colombienne. Cette dernière, ignorant les injonctions du président Alvaro Uribe, a maintenu ses taux d'intérêt à 10% afin de combattre un taux d'inflation qui atteignait déjà 7,87%. Les acteurs économiques se trouvent devant un manque de liquidités et souffre d'un ralentissement productif et commercial généralisé. [...]
[...] Ana Muñoz de Gaviria écrit ainsi dans le journal colombien El Espectador : La crise financière affectera également la coopération et l'aide à nos pays. Devant cette réalité nous nous devons d'être préparés, de surveiller nos dépenses et regarder vers d'autres régions du monde. Nous ne pouvons ni ne devons autant dépendre des États-Unis Reste à savoir si l'Amérique latine, malgré les obstacles structuraux concernant cette diversification de son commerce[30], va pouvoir réaliser au XXIe siècle ce qu'elle n'a jamais réussi au XXe : s'éloigner de la tutelle américaine. [...]
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