Le début des années 1990 a été le théâtre de grands changements politico-économiques dans l'histoire du Japon d'après-guerre, dus aux profonds bouleversements que furent la fin du règne interrompu pendant plus de 50 ans du Parti Démocratique Libéral et l'explosion de la bulle financière et immobilière. Même si d'aucuns pensent que la période d'incertitude qui a suivi la remise en cause du modèle nippon a été une "décennie perdue", une analyse a posteriori permet d'y voir plutôt l'ouverture d'une parenthèse de réformes multiples qui ont touché le système nippon à différents échelons, incluant de façon directe la refonte du modèle de corporate governance "à la nippone" qui était établie jusque-là.
Dans ce domaine, les transformations qui ont frappé les lois formelles, les pratiques établies et l'imbrication entre les entreprises et la sphère politique montrent que la révolution du système a bel et bien débuté : la J-Corporate Governance n'est plus d'actualité et de nouvelles règles continuent d'être établies. Comment le modèle japonais de corporate governance, et le monde de l'entreprise à l'origine si atypique du Japon, sont-ils en train de connaître les plus grands bouleversements de leur histoire ? Quel tournant historique la corporate governance est-elle en train de prendre ? Se dirige-t-elle vers le modèle américain d'autorité absolue de l'actionnariat, qui avait jusque-là un rôle plus effacé ?
[...] Cependant, ce n'est qu'après l'éclatement de la bulle nippone à la fin des années 1990 que la révolution eut lieu véritablement Les Evolutions récentes Facteurs de changement Plusieurs facteurs et circonstances ont provoqué la refonte de la corporate governance établie jusque-là, mais trois facteurs principaux sont à relever: Tout d'abord, l'ouverture régulière des marches financières qui a commencé dès le début des années 1980 a permis aux meilleures entreprises japonaises de trouver des financements et des partenaires bancaires à l'étranger. Par conséquent, les banques japonaises se sont retrouvées progressivement privées des meilleurs éléments dans leur portefeuille de clientèle, tout comme elles ont échoué à s'adapter à ce nouvel environnement international[2]. La raison principale en est la forte imbrication jusque-là entre les entreprises, les banques et le gouvernement, qui est un élément à double tranchant. [...]
[...] Grossièrement, les salariés japonais sont peu payés en début de carrière, en échange de la sécurité de l'emploi et de la quasi-certitude d'accéder à des postes à haute responsabilité et/ou d'être bien rémunérés en fin de carrière. L'intéressement aux résultats de l'entreprise est très peu répandu. Dès lors, les dirigeants n'ont pas beaucoup d'intérêt à rechercher une amélioration de la valeur de leurs sociétés. Il appartient donc aux investisseurs nippons d'adopter une attitude plus stricte envers les dirigeants, même si cela va à l'encontre d'une tradition japonaise qui valoriserait avant tout le consensus. Récemment, on a assisté à un renforcement des exigences des actionnaires vis-à-vis des dirigeants. [...]
[...] Un tribunal de Tokyo a jugé le plan de défense de NBS illégal et en stipulant que le conseil d'administration, qui n'est rien d'autre que l'organe exécutif de la société, n'a pas à décider de la composition du contrôle de l'entreprise». Cette jurisprudence est une mini-révolution : les juges ont validé l'idée de la souveraineté absolue des actionnaires. Accessoirement, Livedoor a ensuite été condamnée pour manipulation de cours, diffusion de fausses informations financières et fraude comptable. Il n'en reste pas moins que cet arrêt est décisif dans l'évolution de la jurisprudence japonaise en matière de corporate governance. La question est désormais de savoir si cette jurisprudence peut s'appliquer aux pilules empoisonnées (dispositifs anti-OPA), très répandues au Japon. [...]
[...] Les fonds étrangers ont nettement augmenté leur participation dans le capital des sociétés japonaises. Dans ces conditions, le management des sociétés cotées est de plus en plus sensible aux menaces d'offres hostiles. Un incident survenu en 2005 a contribué à cette évolution des mentalités : une entreprise américaine, Livedoor Co., a tenté de prendre le contrôle du leader japonais de la distribution de matériel video, Nippon Broadcasting System (NBS). En l'espace de quelques semaines, Livedoor a discrètement ramassé près de 30% des actions de NBS sur le marché. [...]
[...] En mai 2006, une réforme importante du droit des affaires japonais fut mise en place. L'objectif de cette réforme était de faciliter la création d'entreprises, autoriser les fusions triangulaires et c'est là que ça nous intéresse, renforcer les règles de la corporate governance. L'objectif du législateur était de créer un environnement favorable aux investissements étrangers. Les nouvelles règles qui ont été édictées en matière de corporate governance sont les suivantes : Obligation pour les sociétés de mettre en place des systèmes de contrôle interne pour assurer que les administrateurs agissent en conformité avec la loi et les statuts de la société ; Les sociétés cotées doivent soumettre à l'Agence des Services Financiers (FSA) un rapport de contrôle interne ; Les règles régissant le licenciement des administrateurs sont allégées. [...]
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