commerce international, inégalités depuis les années 1970, délocalisations, pays du Nord, pays du Sud, pays développés, précarité au travail, pays en voie de développement, OMC, ouverture économique
Le débat sur les délocalisations que suscitent les « chantages à l'emploi » de certains patrons fournit une bonne illustration des peurs que nourrit l'internationalisation croissante des économies, dont le développement du commerce international est une des principales dimensions. Si les Occidentaux importent des biens et des services produits dans les pays en voie de développement, car le coût du travail y est moins élevé, si certaines fractions de la population active occidentale voient leurs emplois ou leurs conditions de travail menacés par cette « pression venue du Sud » (P.-N. Giraud), il est tentant de conclure que les échanges commerciaux internationaux sont responsables, en partie tout au moins, de la montée de la précarité au travail dans les pays développés. En d'autres termes, les inégalités entre pays du Nord et pays du Sud, qui sont un des moteurs du commerce international, généreraient un second type d'inégalités, qui fragmentent les sociétés développées elles-mêmes, entre une fraction des salariés menacés par le chômage ou par une baisse de leurs salaires et une autre fraction protégée par sa qualification ou son secteur d'activité. On est bien loin du cercle vertueux, décrit, depuis Ricardo, par une part importante des économistes, considérant que la spécialisation des économies nationales liée aux nécessités du commerce est une source d'enrichissement mutuel pour les nations. Non seulement le commerce international contribuerait au creusement des inégalités dans les pays riches, mais il serait aussi responsable de la paupérisation des pays du Sud qui ne parviennent pas à entrer dans l'ordre commercial mondial.
[...] Les ouvriers non qualifiés français ont vu leur salaire diminuer par rapport au salaire moyen dans les années 1980 la balance en emplois leur correspondant était d'ailleurs fortement négative par an). Mais peut-on imputer de manière certaine ces variations aux échanges internationaux ? Quand on cherche à quantifier le contenu en emplois des exportations et des importations et à reconstituer ce que serait l'emploi si ces échanges n'avaient pas lieu, on s'aperçoit que l'effet direct du commerce international sur la balance en emplois est relativement limité. [...]
[...] Mais, l'impact du commerce international sur les inégalités ne se limite pas à l'effet mesuré par la balance en emplois. Exonérer les échanges internationaux de l'essentiel des pertes d'emplois pour les attribuer au progrès technique, c'est oublier que celui est largement conditionné par l'état du marché. L'internationalisation des marchés accroît la contestabilité des marchés et exacerbe la concurrence par les prix. Cette modification des formes de compétition peut être considérée comme un moteur du progrès technique, mais d'un progrès technique biaisé, qui encourage le développement de technologies économes en main d'œuvre. [...]
[...] Au final, l'écart se creuse, au sein même des anciens pays sous-développés entre ceux qui ont réussi leur intégration à l'ordre économique mondial et les pays les moins avancés, dont le revenu par tête a chuté de à de celui des pays développés. II. L'impact du commerce international sur les inégalités internes dans les pays développés est difficile à estimer L'impact du commerce international sur les inégalités internes aux pays du Nord est tout aussi délicat à cerner que celui sur les inégalités nord-sud. [...]
[...] Ce contexte explique en outre que la pression internationale ait un effet sur le salaire réel dans ces pays, tandis qu'en Europe continentale, le taux de chômage est la principale variable d'ajustement. La transformation du rapport salarial consécutive à la crise du fordisme et la révolution informatique jouent elles aussi un rôle majeur dans la montée d'inégalités qui s'immiscent à l'intérieur même des groupes sociaux et non plus seulement entre ceux-ci. Le déficit en emploi de la France se joue d'ailleurs surtout dans des secteurs qui sont peu concernés par la concurrence internationale (l'hôtellerie-restauration, le commerce de détail). [...]
[...] En théorie, cette spécialisation internationale doit avoir des effets positifs pour toutes les parties. Le commerce international mène à une allocation efficiente des facteurs de production et par là même à un enrichissement mutuel. Si, le potentiel de croissance des pays les plus riches est ralenti (du fait de l'hypothèse des rendements décroissants postulée par la plupart des économistes et que la crise des années 1970 a accréditée), les inégalités entre Nord et Sud doivent se réduire à terme. Si l'on en croit Kuznets (et sa célèbre courbe), les inégalités internes diminueraient à partir d'un certain niveau de revenu par tête. [...]
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