"Nous sommes en faillite, nous sommes ruinés" annonce le président argentin Duhalde le 4 janvier 2002, deux jours avant de faire adopter la loi d'urgence économique qui supprime la parité peso-dollar et instaure un double taux de change. Il met ainsi fin à une décennie de Currency Board adopté à l'issue de l'hyper-inflation de 1989-1990 après deux tentatives infructueuses de stabilisation par le seul peso. Cette loi de Convertibilité initiée par Cavallo en avril 1991 imposait trois règles encadrant strictement l'activité de la caisse d'émission : le taux de change est absolument fixe par rapport au dollar (1 $ = 1 peso); la monnaie est librement convertible; l'obligation de disposer, pour toute émission supplémentaire de pesos, de l'équivalent en $ est posée. Alors que la dollarisation complète (comme l'a décidée l'Equateur en 1999) rend extrêmement difficile tout retour en arrière, le système du Currency Board bimonétaire argentin (pesos et dollars sont utilisés parallèlement dans le pays) est censé être réversible en autorisant un retour à une politique monétaire plus active après une phase de stabilisation. Toutefois, Jérôme Sgard fait remarquer que dans les actes, cette expérience semble avoir été défendue en Argentine comme un "engagement définitif " et non comme une phase intermédiaire de stabilisation monétaire et de reconstruction institutionnelle.
[...] Toutefois le Currency Board s'est avéré extrêmement contraignant et a renforcé la vulnérabilité de l'Argentine aux chocs extérieurs. Ce système a effet constitué un véritable " carcan monétaire" ôtant toute véritable souveraineté à l'Argentine. Tout d'abord, l'adoption d'un Currency Board a certes permis d'atteindre un bas niveau d'inflation mais au prix d'une surévaluation de la monnaie. La rigidité du taux de change rend l'Argentine extrêmement vulnérable à tout choc extérieur. En effet cette rigidité fait que tout choc externe, ne pouvant être absorbé par un ajustement de la parité, se répercute fortement dans l'économie. [...]
[...] Par ailleurs, la Banque Centrale argentine n'a plus aucun moyen de contrôler l'offre de liquidités. Toute politique monétaire active est alors rendue impossible et les variations de l'offre de monnaie se limitent à répercuter celles des réserves en devises, au gré des performances commerciales. L'offre de monnaie est en effet liée à la quantité de $ que possède la Banque Centrale (la quantité de pesos en circulation doit être strictement proportionnelle à la quantité de Par conséquent, même en cas de crise de liquidité, les autorités monétaires ne peuvent assumer leur rôle de prêteur en dernier ressort que si les réserves de change excèdent la masse monétaire en circulation. [...]
[...] Le bipolarisme est-il justifié ? Stanley Fisher, Finances et développement, FMI, juin 2001 Choisir le "bon" système de change. Problèmes Economiques 2698, janvier 2001 Régimes de change : avec ou sans sucre ? [...]
[...] On peut donc se demander pourquoi l'Argentine n'est pas sortie de son Currency Board contraignant dès les premiers signes de la récession ? Quelles sont les raisons qui ont empêché ce pays de mettre fin avant 2002 à cette coûteuse expérience que constitue la loi de convertibilité qui s'est avérée incapable d'assurer la stabilité de l'économie ? Dans quelle mesure le Currency Board s'est-il progressivement transformé en véritable carcan monétaire duquel il était difficile de s'extraire ? Dans un premier temps, le Currency Board a permis d'éliminer l'hyper- inflation et de restaurer la confiance des agents économiques, ce qui a longtemps entretenu chez les dirigeants, l'idée que la loi de convertibilité constituait la réponse la plus cohérente aux défis de la globalisation financière. [...]
[...] Or, on le sait les marchés ne se caractérisent pas forcément par des mouvements rationnels mais sont influencés par les différents chocs financiers internationaux. Ainsi, l'Argentine a payé chère sa dépendance aux marchés des capitaux, lorsque après la crise russe de 1998, la défiance des investisseurs à l'égard des pays émergents a rendu l'accès au crédit étroit et coûteux. Pour Adda, dans Les Currency Boards ou comment abolir la Banque Centrale, cette loi de convertibilité n'est autre chose " qu'un carcan monétaire, une façon polir pour un Etat de dire qu'il renonce à tout gestion monétaire et par la même occasion à tout activisme budgétaire : le déficit des finances publiques ne pouvant plus excéder le crédit que les marchés financiers voudront bien lui accorder!". [...]
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