Multilatéralisme, paix mondiale, puissances résilientes, puissances émergentes, inégalités internationales
« L'ancien monde a déjà disparu, le nouveau monde n'est pas encore là ». Cette formule inventée par Antonio Gramsci pour décrire la période d'entre-deux-guerres en Europe peut aisément être reprise pour analyser l'état actuel de l'espace mondial issu des bouleversements internationaux de 1989-1991. Depuis la fin de la guerre froide, le système international est en pleine mutation : l'effondrement du bloc soviétique marque la fin de l'équilibre des puissances instauré autour dubipola-risme qui a dominé les relations internationales pendant toute la seconde moitié du XXe siècle ; les attentats du 11 septembre révèlent l'émergence de nouvelles menaces non-étatiques appelant au développement d'innovations stratégiques et militaires ; l'avènement de nouvelles puissances – notamment avec les grands émergents ou BRICSAM (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud et Mexique) – conduit à une nouvelle configuration du monde ; les économies capitalistes ont connu la plus importante crise de leur histoire depuis la Grande Dépression de 1929… Le concept même de puissance a évolué, changeant de visage, de méthode voire de nature. Pierre Buhler écrit par exemple dans son ouvrage La puissance au XXIe siècle que « toutes sortes d'acteurs transnationaux – entreprises multinationales, organisations non-gouvernementales, réseaux terroristes – se sont subrepticement invités dans le jeu de la puissance, allant jusqu'à défier les Etats sur un terrain de l'action armée, considéré pourtant comme leur apanage incontesté ». La question de la nouvelle organisation de l'espace mondial post Guerre Froide se pose alors, en ce début de XXIe siècle.
[...] En effet, d'une part, la fin de la guerre froide marque également celle des institutions au service du bipolarisme Est-Ouest, au premier rang desquels l'ONU dont les activités prennent de l'ampleur dans divers domaines tel que celui des opérations de maintien et de consolidation de la paix mais aussi le FMI (déjà à partir des années 1970) et la Banque Mondiale œuvrant à l' « universalisation » du modèle d'économie de marché. L'OMC, accord initialement conclu entre 23 pays, a également progressivement pris une ampleur mondiale et comptaient, en participants. D'autre part, la récession de 2007, exacerbée par les « déséquilibres mondiaux », a remis en évidence l'ampleur des interdépendances entre les Etats et ses effets pervers ainsi que la nécessité de définir des solutions communes de sortie de crise posant les bases d'une gouvernance mondiale renouvelée, équitable et durable. [...]
[...] Lorsque l'on recentre la réflexion sur la sphère mondiale, celui-ci peut être entendu au sens de la Commission de la gouvernance mondiale comme « la somme des différentes façons dont les individus et les institutions, publics et privés, gèrent leurs affaires communes. C'est un processus continu de coopération et d'accommodement entre des intérêts divers et conflictuels. Elle inclut les institutions officielles et les régimes dotés de pouvoirs exécutoires tout aussi bien que les arrangements informels sur lesquels les peuples et institutions sont tombés d'accord ou qu'ils perçoivent être de leur intérêt » (1995). [...]
[...] Pourtant, la question du régionalisme économique a suscité de vives réserves de la part des Etats-Unis et de l'URSS durant la guerre froide, craignant une division du monde en sous-système. Exemple de cette méfiance, si la Charte de San Francisco avait prévu le régionalisme politique (article 52, chapitre VIII), rien n'avait été prévu à cet effet au niveau économique. Il faudra attendre les années 1980 pour que la stratégie américaine évolue en ce sens avec l'entrée en vigueur de l'Accord de Libre Echange (ALE) entre les Etats-Unis et le Canada au 1er janvier 1989, l'ouverture de négociations bilatérales avec le Mexique en juin 1990 et, l'idée énoncée à la même date par Georges. [...]
[...] D'une part, la répartition des ressources et la distribution de la puissance parmi les pays émergentes est asymétrique avec par exemple la Russie et la Chine, membre du Conseil de Sécurité de l'ONU et puissances nucléaires avec l'Inde. A l'intérieur des nouveaux pôles en construction, des divergences importantes entre les pays de la zone fragilise le processus d'unification. A titre exemple, en Amérique Latine, les déficits commerciaux de l'Argentine et de l'Uruguay à l'égard du Brésil attisent les tensions au sein même du MERCOSUR et entravent les efforts d'intégration régionale. D'autre part, ces nouvelles puissances connaissent un cortège de défis internes – sanitaires, institutionnels, relatifs à l'insuffisance des infrastructures – qu'ils devront relever. [...]
[...] Il convient ainsi de distinguer deux appréciations du déclin de la puissance : le déclin absolu, dans le sens d'une dégradation ou d'une perte de capacité d'utilisation efficace de son propre potentiel, et le déclin relatif, lorsqu'un pays est dépassé par un autre en terme de puissance. Appliquée aux Etats-Unis, cette distinction permet alors à certains observateurs tels que Joseph Nye – père du concept de « soft power » – d'affirmer qu' « il est aujourd'hui à la mode de prédire le déclin de la puissance américaine. Mais les Etats-Unis ne sont pas dans un déclin absolu, et en relativisant cette assertion, il est raisonnablement probable qu'ils resteront plus puissants que n'importe quel autre Etat dans les décennies à venir ». [...]
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