Quelle firme incarne-t-elle aux yeux des Français la quintessence de la multinationale dominante mieux que Coca-Cola ? Conservant jalousement sa recette secrète, fort d'une image de marque inégalée, disposant d'une gamme variée, Coca-Cola a inondé le monde entier de son soda phare. La compagnie d'Atlanta a même eu le privilège douteux de donner lieu à un néologisme, la « Cocalisation », consécration populaire de sa domination globale. Pourtant, le 3 mars 2006, la section Business du New York Times publiait en première page une anecdote qui venait largement relativiser la toute puissance du plus célèbre des fabricants de boisson . En 2005, Coca-Cola se prépare à introduire sur le marché américain une nouvelle boisson allégée, le Coke Zero, assez similaire au Coca Light en ce qu'il contient de l'aspartame. Un des clients estima cependant avoir une meilleure idée : créer une boisson allégée contenant de la splenda, un autre type d'édulcorant, dont il pensait qu'il se vendrait mieux. Le client demanda donc à Coca-Cola de revoir le nom et la formule de sa boisson et de façon relativement surprenante pour une firme réputée aussi puissante, Coca-Cola s'exécuta : il reporta la sortie du Coke Zero, reformula la recette de sa boisson pour sortir en mai 2005, le « Diet Coke With Splenda ».
Quel est donc ce client assez influent pour faire en sorte que Coca-Cola calque ses plans marketing sur ses exigences ? Il s'agit du groupe de distribution Wal-Mart Stores Inc., leader de la vente au détail sur le marché américain. Même si ce nom reste relativement méconnu en France, il a lui aussi donné lieu à un néologisme, la Wal-Martisation, et Coca-Cola venait d'en faire les frais. Représentant 20% du marché des sodas aux Etats-Unis, Wal-Mart est un client dont même Coca-Cola ne peut pas se passer, au point que le fabricant de sodas est contraint d'en suivre les instructions.
[...] L'intuition fondatrice de Sam Walton était que, contrairement à ce que croyaient alors les leaders du marché du discount, les petites villes et zones rurales pouvaient générer assez de vente pour que l'implantation d'un magasin de taille conséquente y soit rentable. Un Wal-Mart par petite ville. A la fin des années 60, Wal-Mart comptait 18 magasins de discompte au total et 17 d'entre eux se trouvaient dans des villes comprises entre 5000 et habitants[17]. La plupart des principales chaînes de discount au contraire négligèrent le marché offert par les petites communautés. [...]
[...] Cette modification du rôle macroéconomique des salaires affecte négativement la place du travail dans le rapport salarial. Puisque désormais les intérêts des syndicats (salaires élevés) s'opposent non seulement à ceux des employeurs (maximisation du profit) mais aussi en apparence à ceux de l'économie dans son ensemble (compétitivité), on constate que la modification du rôle macroéconomique des salaires contribue à l'érosion de l'idée syndicale[323]. Prenant acte de l'effritement du substrat économique et d'intérêt général sous-tendant la logique syndicale, l'intervention publique va venir entériner l'érosion de l'idée syndicale en affichant à partir des années 80 un anti syndicalisme décomplexé. [...]
[...] Etudes empiriques. Si cette analyse théorique est quelque peu rudimentaire, il convient de préciser que de nombreux travaux empiriques étayent la thèse d'une corrélation positive entre syndicalisation et salaire. Ainsi en 2005, la compensation horaire[276] des travailleurs syndiqués aux Etats-Unis était en moyenne plus élevée que celle des travailleurs non-syndiqués[277]. Nous remarquons en outre que l'impact positif des syndicats sur les salaires ne se limite pas à ceux des travailleurs syndiqués mais affecte également ceux des travailleurs non syndiqués, à travers ce que certains appellent l' effet de menace ou de débordement des syndicats Cet effet de débordement résulte de la possibilité offerte aux employés non syndiqués travaillant dans des secteurs, industriels ou géographiques, fortement syndicalisés de bénéficier directement (conventions collectives avantageuses négociées par les syndicats) ou indirectement (la syndicalisation probable en cas de mécontentement des salariés incite l'employeur à adopter les standards syndicaux) de l'activité syndicale. [...]
[...] En cas de désaccord, si par exemple Levis refuse de baisser ses prix de d'une année sur l'autre comme Wal-Mart l'exige de beaucoup de ses fournisseurs, la rupture du contrat entraîne une perte inégalement ressentie par les deux parties. Chez Levis la perte de Wal-Mart comme client entraîne une baisse de 10% de ses ventes, alors que cela n'affecte le chiffre d'affaires de Wal-Mart que de façon négligeable[227]. Ainsi Wal-Mart peut menacer de façon crédible d'imposer à ses fournisseurs un coût d'opportunité tel que si la menace est mise en œuvre une part disproportionnée de ce coût d'opportunité sera supportée par le fournisseur[228]. [...]
[...] Les compétences marketing acquises par Wal-Mart lui ont permis de développer avec succès ses marques propres (MDD) qui représentent 30% de ses ventes, soit la moitié des ventes totales de MDD aux Etats-Unis. La totalité des MDD textiles de Wal-Mart[390] est fabriquée en Asie, dont une forte proportion en Chine. Or on a vu l'état de dépendance et soumission des producteurs de MDD vis-à-vis du distributeur, du fait de la présence d'actifs. Le témoignage d'un entrepreneur hongkongais donne une image assez frappante de la situation des fournisseurs chinois de Wal-Mart : Ils [Wal- Mart] font une sorte de vente aux enchères inversée. [...]
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