Les informations télévisées ne cessent d'en parler, tous les jours cela fait la «une» des journaux : les délocalisations. Elles semblent être une réalité quotidienne, frappante et menaçante.
Arc International, le spécialiste européen du verre a décidé fin 2004 de fermer son site de production dans le Nord-Pas-de-Calais afin d'en rouvrir un nouveau en Chine où la main d'œuvre est abondante et coûte vingt fois moins cher. Le bilan : 2700 emplois industriels perdus pour la France. Hélas, ce ne sont pas seulement nos verres de moutarde qui seront désormais fabriqués en Chine. Arc International, Valéo, Père Dodu, Bosch – les exemples des délocalisations ne manquent pas, ils ont un fort écho médiatique ce qui crée presque une psychose collectif : la peur de perdre son emploi. Semblent essentiellement concernés les «cols bleus», mais les «cols blancs» commencent aussi à s'inquiéter pour leur emploi, ne sachant pas trop ce qui peut leur arriver.
Toutefois, les économistes disent qu'il ne faut pas s'inquiéter, que c'est un processus évolutif normal vers une économie tertiarisée et partiellement désindustrialisée. Dans le même temps, les politiciens instrumentalisent le débat à des fins politiques bien qu'ils ne semblent pas être en mesure d'apporter de vraies réponses au problème. La confusion est totale c'est pourquoi nous voulons essayer, dans ce rapport, de découvrir si les délocalisations sont une réalité économique inéluctable ou bien un mythe, exagéré et engendré par les médias et les politiques.
Dans une première partie, nous préciserons en quoi les délocalisations représentent une réalité économique. Statistiques à l'appui, nous allons d'abord évaluer l'ampleur réelle du phénomène puis nous tenterons de donner une définition exacte du terme «délocalisations» afin d'éviter les amalgames qui sont courants lorsque l'on aborde ce sujet. Pour clore cette première partie, il faudra montrer l'impact des délocalisations sur le marché du travail, affectant essentiellement les emplois peu qualifiés.
En deuxième partie nous constaterons que les délocalisations deviennent l'objet d'un mythe politico-médiatique. L'ampleur prise par le sujet dans la société actuelle est exagérée par rapport à la réalité. En effet, comme nous le verrons par la suite, c'est un processus économiquement logique visant à maintenir la compétitivité des entreprises mais qui est fortement limité aux secteurs de faible plus-value et nécessitant beaucoup de main d'œuvre. De plus, pour illustrer les limites du processus, il est indispensable d'évoquer aussi les risques que prennent les firmes en délocalisant.
[...] Le premier impact à prendre en compte passe par le phénomène de spécialisation des économies. Le mouvement de spécialisation commerciale des pays industrialisés vers les services, concourt à une diminution de leur balance commerciale en biens manufacturés. Cela contribue à diminuer la part de l'industrie dans la production et l'emploi de ces pays. L'émergence du Sud fait aussi évoluer la spécialisation des pays avancés au sein de l'industrie : des produits intensifs en main d'oeuvre non qualifiée vers ceux intensifs en main d'oeuvre qualifiée. [...]
[...] C'est sur ce point qu'on peut revenir à la comparaison avec les délocalisations qui nous intéressent : ces dernières ne sont pas un phénomène aussi exceptionnel que leur mythification veut nous le faire croire, mais on peut se demander si elles peuvent être freinées sans intervention des pouvoirs publics Recherche-développement et plus-value demeurent une spécificité des PDEM difficile à supplanter En fait, il perdure une inégalité foncière entre les pays développés à économie de marché (PDEM) et les pays en voie de développement vers lesquels ont lieu une majorité de délocalisations. Certes, on peut réfléchir sur l'impact des délocalisations sur les emplois moins qualifiés des PDEM. Mais la réalité des délocalisations concernant les emplois qualifiés est pour le moins contestable dans son ampleur. [...]
[...] C'est notamment le cas en Europe de l'est ou au Maroc. La mondialisation libérale a entraîné une diminution des barrières douanières et des contraintes fiscales pour délocaliser les productions à l'étranger. L'aspect financier dans les transactions est du même coup facilité par le contexte de globalisation financière. C'est pourquoi on peut penser que la corrélation entre délocalisation et mondialisation existe dans des proportions remarquables. Des éléments nouveaux, issus précisément du mouvement de mondialisation (et de régionalisation, qui l'accompagne) permettent de lier au premier abord les deux phénomènes. [...]
[...] www.mckinsey.com The Economist “Report on India” www.economist.com Dossier l'Expansion Rapport du CAE “désindustrialisation delocalisation” Kerivel, Liza, L'Humanité du 04 novembre 2004, p Beck, Ulrich, Süddeutsche Zeitung octobre 2004, p L'Expansion, no 691, novembre 2004, p De Tricornot, Adrien, Le Monde novembre 2004 Le Boucher, Eric, Le Monde septembre 2004 Kerivel, Liza, l'Humanite novembre 2004 Maussion Catherine, Libération, le 1 octobre 2004. Collen, Juliette, AFP septembre 2004 Entrée libre du marche, atomicité, homogénéité, transparence, et mobilité. Schumpeter "La théorie du développement économique" 1911. JP Fitoussi "La Démocratie et le marche" Grasset, Nouvelle Collège de Philosophie The McKinsey Global Survey of Business Executives "Operations: Outsourcing" The McKinsey Quarterly" March 2004. [13]P. Bairoch, Les trois révolutions agricoles du monde développé : rendements et productivité de 1800 à 1985 Annales ESC, mars-avril 1989. [...]
[...] Si les services sont parfois délocalisés (les centres d'appel par exemple), il ne faut pas surestimer l'importance. Nous devons dissocier les phénomènes internes, liés aux effets de demande et d'offre, du rôle spécifique joué par l'émergence des pays du Sud. De plus il existe des stratégies de délocalisation qui sont autant de réponses à des situations différentes Les délocalisations sont surtout les effets de la désindustrialisation Selon la thèse très influente de Clark (1957), la désindustrialisation des économies avancées, comprise comme le déclin de l'emploi industriel, est une conséquence naturelle du déplacement de la demande des biens industriels vers les services au fur et à mesure du développement économique. [...]
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