En 1978, Raymond Barre alors ministre de l'Economie déclarait : « Les chômeurs ? Ils n'ont qu'à créer leur entreprise ! ». Derrière cette phrase quelque peu provocatrice se trouve pourtant une idée qui va faire son chemin puisqu'elle va donner naissance à un dispositif bien spécifique qu'est l'ACCRE. Cette mesure vise à encourager la création d'entreprise par des personnes sans emploi.
La décennie suivante fait pourtant encore la part belle à des politiques de l'emploi plus passives. La première moitié des années 80 compte en effet 10 fois plus de dépenses pour des mesures comme le retrait d'activité que pour des mesures consacrées à la promotion de l'emploi. Pour autant, cette période représente une transition puisqu'on commence à considérer la création d'entreprise comme un moyen de redynamiser le tissu industriel et de relancer l'emploi. C'est pourquoi l'ACCRE représente les prémices de ce que seront les nouvelles politiques de l'emploi dans le futur.
En effet, ce type d'aide trouve son efficacité dans la lutte contre le chômage en poursuivant plusieurs objectifs convergents. En encourageant financièrement la création d'entreprise on peut espérer augmenter le nombre de firmes dans un premier temps et allonger la survie de ces dernières dans un deuxième temps. En effet, l'accès au crédit étant difficile pour les personnes les plus modestes, ces dernières ne peuvent démarrer et faire vivre leur entreprise que sur leur seul apport initial et leur chiffre d'affaire. Ces conditions ne laissent pas beaucoup de marge de manoeuvre et c'est pourquoi près de la moitié des créateurs sont contraints de déposer le bilan avant la cinquième année.
Au final, si les créations d'entreprise augmentent et qu'elles survivent plus longtemps, cela permet mécaniquement de créer des emplois et donc de faire baisser le chômage.
Toutes ces aides à la création d'entreprise finissent donc par représenter de grosses sommes d'argent, et il apparait donc important de se pencher sur leur efficacité. Ce champ d'étude a été exploré notamment par des chercheurs français à partir de données françaises issues de l'enquête SINE qui est renouvelée tous les 4 ans. Crepon et Duguet (2003) et Désiage, Duhautois et Redor (2010) se sont ainsi intéressés respectivement aux entreprises créées en 1994 et 1998. Les deux études s'accordent à révéler un impact significativement positif des aides sur la survie de ces dernières. Pour notre part, nous tenterons de confirmer ou infirmer ces résultats à partir des données issues de l'enquête SINE 2002 (...)
[...] Ainsi, les créateurs de moins de 25 ans ne sont que 78,6% à porter leur entreprise à son premier anniversaire, accusant déjà un retard de 10 points sur la distribution moyenne. Au bout de 5 ans de survie, cet écart s'agrandit à 15 points lorsqu'ils ne sont plus que 38,1% face à plus d'une entreprise sur deux qui atteint son cinquième anniversaire. Finalement, la part des jeunes de moins de 30 ans et des plus 50 ans diminue d'année en année, tandis que celle des 30-45 ans augmente. [...]
[...] En 1985, l'ACCRE devient une aide de droit et par conséquent est étendue à toutes les catégories de chômeurs indemnisés. Deux ans plus tard, un décret signe la fin de l'automaticité de l'aide en mettant en place des conditions d'éligibilité basées sur la faisabilité économique du projet. Puis l'accès au dispositif est élargi en 1991 à un public encore plus éloigné de l'emploi que peuvent l'être les chômeurs, à savoir les allocataires du RMI. L'aide évolue encore en 1994 avec une incitation à consolider la mise en place de l'entreprise en amont de la création qui prend la forme de chèques conseil. [...]
[...] Ils ont traité leurs données en différenciant les créateurs d'entreprise anciennement salariés de ceux qui étaient anciennement chômeurs (eux même différenciés selon la durée de leur période sans emploi). Les premières statistiques descriptives semblent indiquer que la création d'entreprise résulte d'une culture de l'entreprenariat et d'une expérience professionnelle dans le domaine. Les anciens salariés sont généralement mieux éduqués que les chômeurs et sont plus souvent des artisans. Ils ont également déjà créé une entreprise par le passé pour une plus grand part d'entre eux. [...]
[...] Et à l'inverse des chômeurs, ces déterminants agissent via les prêts uniquement. Il y a donc deux types de sources pour augmenter le capital initial des créateurs d'entreprise : les subventions publiques qui sont identiques pour tous, et les prêts qui sont souscrit sur le marché bancaire et qui varient donc d'un créateur à l'autre. Les auteurs observent logiquement que les subventions ont pour effet de déplacer vers la droite la distribution du capital initial, tout en notant que cet effet est moins fort pour les anciens salariés. [...]
[...] Table 2 : Distribution Aides * Survie A la lumière de ces statistiques descriptives, il semblerait donc que l'impact positif des aides sur la survie des entreprises soit réel. Si ce résultat peut paraitre logique puisqu'il renvoie à l'intuition première de la performance attendue de ces dispositifs, ils n'ont néanmoins pas valeur de preuve. Pour confirmer ces tendances, il convient maintenant de réaliser des régressions en contrôlant les biais qu'il peut exister afin d'isoler le véritable effet des aides. C'est ce que nous allons présenter dans la prochaine partie. [...]
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