Rawls
[...] Rawls voulait-il aller plus loin? Rien n'est moins sûr. Toute sa vie, il a tenu à présenter les bases de sa doctrine comme relevant de la philosophie morale, à se réclamer de l'héritage de Kant, à prévenir les interprétations trop gauchisantes». Sur la mission sociale de l'Etat, sur la nécessité de confier à celui-ci un rôle régulateur par rapport au désordre du marché, il s'est moins avancé qu'on ne le dit généralement. Ses réticences vis-à-vis de Jùrgen Habermas, sa critique de Michaèl Walzer s'expliquent par les mêmes raisons. [...]
[...] Cette conception de la justice n'implique pas de rejet a priori du marché. EUe est par ailleurs très loin d'entériner un capitalisme dérégulé. Elle ne justifie pas non plus un capitalisme flanqué d'un Etat-providence recueillant les nombreux exclus du marché. En revanche, rien en elle n'exclut en principe un Socialisme libéral combinant la propriété publique des moyens de production et une pleine liberté de choix occupationnel qu'un marché du travail performant rendrait compatible avec une allocation efficace des ressources. Et rien n'exclut non plus une démocratie des propriétaires» combinant la propriété privée des moyens de production avec une diffusion si large du capital et des qualifications que les interventions ciblées et stigmatisantes de l'Etat-providence en deviendraient sans objet. [...]
[...] Il avait 82 ans. Depuis la publication de Théorie de la justice, en 1971,il était considéré comme l'un des principaux penseurs politiques de son temps. Né le 21 février 1921 à Baltimore, il avait interrompu ses études pour servir dans l'infanterie de combat dans le Pacifique, pendant la seconde guerre mondiale. A son retour à la vie civile, il avait entrepris des études de philosophie à l'université de Princeton, dont il devînt docteur. Professeur à Cornell, puis à Harvard, John Rawls n'avait publié que quelques articles épars lorsqu'il fait paraître à l'âge de cinquante ans un livre long et aride dont personne ne prévoyait, et certainement pas lui- même, à quel point il allait révolutionne r la pensée politique. [...]
[...] En France, l'accueil a été enthousiaste. D'une part, parce qu'elle aborde des thèmes qui ne sont tout de même pas étrangers aux lecteurs de Sartre et Foucault, l'œuvre de Rawls a été la première oeuvre de langue anglaise, depuis celle de Russell, à trouver un écho à Paris. D'autre part, parce qu'elle offre une vision cohérente d'un Etat qui s'efforce de concilier les exigences sociales avec celles du marché, elle est apparue, à une partie de la gauche, comme un modèle théorique de rechange à un moment où les socialistes ne voulaient plus du marxisme sans pour autant sombrer dans le libéralisme intégral. [...]
[...] Mais un peu plus souvent grâce à Rawls. Et beaucoup plus souvent si nous sommes nombreux, toutes disciplines, tous pays confondus, non à étudier mais à pratiquer le type de pensée politique qu'il a magistralement illustré. Philippe Van Parijs professeur à l'Université catholique de Louvain, chaire Hoover d'éthique économique et sociale Enthousiasme et malentendus AUX ÉTATS-UNIS d'abord (1971), puis en France avec seize ans de retard (1987), les sept cents pages de Théorie de la justice ont fait beaucoup de bruit. [...]
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