Cet ouvrage de Daniel Cohen est une forme d'histoire du capitalisme, des changements qu'il a subis entre le XXe et le XXIe siècle. La figure centrale du capitalisme du siècle dernier est celle de la grande firme industrielle, à la fois mode de production et de protection, créatrice donc de lien social. Le capitalisme du XXIe siècle marque la fin de cette solidarité par la dissociation du processus de production, au travers notamment des sous-traitances. De plus, la place centrale du bien et sa fabrication tendent à disparaître, au profit d'une société de services, où la matière travaillée est l'homme lui-même, et où la baisse des coûts de production des objets conduit à une réduction de la part de la production en valeur, mais croissante en volume. La société post-industrielle est enfin une société de l'information, dominée par des « concepteurs » et une structure de coûts inédite : la première unité produite est la plus coûteuse, les suivantes ont un coût plus faible, et le coût de fabrication du produit lui-même est plus faible que l'amortissement des dépenses en recherche et développement.
Daniel Cohen identifie cinq ruptures. La phase la plus récente de la mondialisation, ou nouvelle économie-monde, est la cinquième rupture, axée sur les images et la volonté de convaincre le consommateur. La chaîne de production traditionnelle se désintègre et le travail s'externalise. La division internationale du travail semble plus une source de rivalité que de solidarité, et le commerce international s'avère injuste : les riches prospèrent et les pauvres s'appauvrissent, tout en devenant spectateurs du décalage.
Face à ces bouleversements, comment l'Europe a-t-elle évolué ?
[...] Les économistes actuels, selon le portrait de The Economist, sortent du simple cadre de la macroéconomie pour intégrer à leurs analyses des données institutionnelles et comportementales. Daniel Cohen semble ainsi faire partie de cette «nouvelle génération». Enseignements La définition de la société post-industrielle, dans laquelle nous évoluons aujourd'hui, est celle d'un nouveau mode de production où les différentes tâches sont éclatées, mettant fin à la solidarité mécanique entre acteurs de l'entreprise, pour reprendre une idée de Durkheim. Cette division entre concepteurs et fabricants, entre actionnaires protégés et salariés en manque de pouvoir, entre employés qualifiés et non qualifiés, a conduit à la dégradation des liens unissant les membres de la société. [...]
[...] Dans notre société contemporaine, la création de lien social disparaît. Les «appariements sélectifs» encouragent les cloisonnements des groupes socio- économiques et la fin d'une possible mixité. Cette évolution est dangereuse, comme en a témoigné la crise des banlieues de 2005. La France doit, selon Cohen, accepter le lien communautaire comme facteur d'intégration, sur le modèle des États-Unis. Cette idée est cependant inadaptée à la théorie de la méritocratie républicaine propre à la France, et son applicabilité est donc discutable. La France doit dans tous les cas proposer des solutions pour relancer l'intégration de pans entiers de la société, notamment une population jeune, mise à l'écart et souffrant d'un chômage massif, tout en renforçant ses capacités d'innovation et de développement de connaissances pour maintenir sa compétitivité avec les États-Unis et les dragons asiatiques. [...]
[...] La montée en puissance du G20 semblerait illustrer dans les faits sa théorie. Il faut dans tous les cas déterminer à nouveau les termes de l'échange, et sortir de ce rapport de rivalité, où les pays émergents ont recours au protectionnisme pour faire face à des pays riches cherchant à mettre en priorité leurs propres avantages, afin d'évoluer vers un commerce véritablement concurrentiel et le plus équitable possible. Au niveau tant national qu'international, la sortie de l'«ère des ruptures» passera par la réconciliation entre économie et social, par de nouveaux vecteurs de solidarité et des institutions représentatives, dépassant le rôle autrefois occupé par l'entreprise. [...]
[...] La révolution financière est une autre rupture, celle des salaires d'efficience, au profit de fusions-acquisitions et de démembrements. La phase la plus récente de la mondialisation, ou nouvelle économie-monde, est la cinquième rupture, axée sur les images et la volonté de convaincre le consommateur. La chaîne de production traditionnelle se désintègre et le travail s'externalise. La division internationale du travail semble plus une source de rivalité que de solidarité, et le commerce international s'avère injuste : les riches prospèrent et les pauvres s'appauvrissent, tout en devenant spectateurs du décalage. [...]
[...] Face à ces bouleversements, comment l'Europe a-t-elle évolué ? Ayant perdu son référent d'opposition suite à la chute du communisme, l'Europe doit se restructurer et s'intégrer à la mondialisation, en rattrapant notamment son concurrent américain en matière de haute technologie, connaissance et formation, par le renforcement de ses universités sur le plan international. L'Europe doit aussi se pencher sur la question sociale, en conciliant des modèles divers basés sur des valeurs différentes. La gestion de la séparation entre économie et sociale devient l'enjeu de demain, ainsi que la mise en place de nouvelles structures d'intégration, pour faire face à la perte du rôle social de l'entreprise. [...]
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