Marx pensait que l'histoire suivait des phases, et que le capitalisme n'en constituait qu'une étape. Or, le capitalisme a lui-même une histoire : celui du XIXe siècle n'est pas celui du XXe.
Le capitalisme du XXe siècle s'est construit autour de la grande firme industrielle, gérée par une « solidarité mécanique » (Durkheim, De la division du travail social, 1893) : les ingénieurs rendent productifs les ouvriers, les dirigeants protègent la firme des aléas de la conjoncture. Ainsi, pour se prémunir des retournements, une firme fabriquant des maillots de bain cherchera à acquérir une firme productrice de parapluies. Diversifier l'activité, c'est minimiser le risque pour les employés. La société industrielle du XXe siècle lie ainsi un mode de production à un mode de protection. Elle scelle l'unité de la question économique et sociale.
La financiarisation des années 1980 ruine ce modèle d'organisation. Un actionnaire n'a nullement besoin qu'une entreprise fabrique à la fois des maillots de bain et des parapluies. Il lui suffit de détenir une action de l'une et de l'autre pour diversifier son risque. Ce sont ainsi désormais les salariés qui subissent les risques et les actionnaires qui s'en protègent. Véritable retournement copernicien, la société post-industrielle qui s'ouvre marque la fin du processus de régulation instauré par le modèle de la firme industrielle.
[...] Les appariements sélectifs : Les gens se retrouvent aujourd'hui entre eux, entre classes sociales, l'ascenseur social bloqué. Politique, économie et société : Au XIXe siècle, l'économie s'affranchit de l'Etat. C'est la grande transformation de ce siècle[10], où les vieilles nations européennes deviennent toutes des économies de marché. Cette nouvelle société a du mal à démarrer : les ouvriers en sont exclus, et le circuit économique production-consommation a du mal à être bouclé. Le fordisme trouve un compromis alléchant. Aujourd'hui, nous sommes dans une autre phase où l'économique et le social divorcent à nouveau. [...]
[...] Par les images auxquelles ils accèdent, les pauvres entrent dans un monde matériellement très éloigné des pays développés, mais suffisamment proche pour qu'il fasse naître l'aspiration de se comporter comme s'ils y étaient entrés. Cet écart constitue l'une des questions majeures du monde contemporain : comment réconcilier le monde vécu avec le monde attendu, à l'heure où les médiations sociales se font rares ? 5. Les enjeux du monde à venir D'ici 2050, fin de la transition démographique, la population mondiale atteindra 9 milliards d'individus. [...]
[...] Cette désintégration verticale de la production n'est rien d'autre que le miroir mondial du démembrement de la production fordiste analysée au chapitre précédent. La conception en amont et la prescription en aval deviennent le cœur de l'activité des pays riches. L'étape du milieu, la fabrication, devient inessentielle et peut être externalisée. Les riches tendent ainsi à vendre des biens immatériels et à acheter des biens matériels. Les pays riches s'accaparent ainsi les segments de la production où les rendements d'échelle sont les plus forts. L'un des enjeux des pays du Sud aujourd'hui est de pouvoir prendre part à l'immatériel. [...]
[...] L'apparition de l'ordinateur a sapé le travail des dactylos. On découvre alors que les technologies rendent plus productifs les travailleurs qualifiés. Voilà comment le progrès technique s'accompagne dans les années 1980 d'une montée des inégalités. De même, le vendeur de librairies ne fait plus une unique tâche, typique de la logique top-down où une décision est prise en amont par puis par puis par Z. Là, Z peut tout décider et effectuer. Benjamin Coriat avait vu juste à travers le penser à l'envers : partir du client pour remonter dans le haut de la chaîne, tout le contraire du fordisme ! [...]
[...] Il faudra enfin voir pourquoi la régulation de cette société post-industrielle est si difficile. En somme, s'il était facile de parler de société industrielle, parler de société post-industrielle l'est beaucoup moins. Plusieurs modèles se sont en effet dessinés, au point de ne plus s'y retrouver. Si tous voient aujourd'hui les mêmes films, les fauteuils dans lesquels ils sont installés sont bien de plus en plus différents. Leçon 1 : L'ère des ruptures Cinq ruptures sont à l'origine de l'émergence de ce Nouveau Monde. [...]
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