Les mutations récentes de la société capitaliste suscitent toutes sortes d'angoisses, et ce d'autant plus qu'elles se déploient dans un contexte de délitement de la cohésion sociale auquel elles participent. Et pourtant, « nos temps modernes » n'ont pour l'instant fait l'objet d'aucune théorisation globale. Or les explications individuelles données à l'émergence de la nouvelle société industrielle – financiarisation de l'économie, triomphe du machinisme annonçant la fin du travail, ou montée de l'individualisme – méritent d'être unies et affinées au sein d'une même analyse.
Il s'agit pour Daniel Cohen de prendre du recul par rapport aux analyses « à chaud » de la modernité, en replaçant la configuration actuelle de la vie économique dans une perspective historique afin de la définir et de mieux penser son avenir.
[...] Il s'agit pour les entreprises d'attirer et de fidéliser les actionnaires pour assurer leur développement futur ; mais pour les actionnaires, l'unique objectif est le profit immédiat, aux dépens parfois de l'intérêt à moyen terme des entreprises. Dès lors, les méthodes de management des entreprises vont évoluer radicalement. L'entreprise fordiste reposait sur un compromis entre patrons et ouvriers : les ouvriers consentaient à un travail pénible en échange d'un salaire d'efficience relativement élevé, qui s'accompagnait d'une politique sociale comprenant notamment un système de primes d'ancienneté - primes qui ne venaient pas récompenser la productivité du travailleur, mais sa fidélité à son poste. [...]
[...] Il ne s'agit plus de parcelliser le temps de travail, mais bien de le compresser sur une seule et même personne, chargée d'accomplir des tâches de nature différente. Les chaînes de production n'ont pas disparu des usines, mais les ouvriers travaillent désormais de façon plus collégiale, peuvent prendre des initiatives et doivent adapter le processus de production aux demandes en direct de leur hiérarchie : c'est le toyotisme Cependant, la professionnalisation des tâches et leur diversification n'a pas véritablement conduit à une amélioration des conditions de travail : au contraire, le travail devient plus intense, et les nouvelles responsabilités s'accompagnent d'un stress important et d'une concurrence sourde entre salariés. [...]
[...] P : Les managers occupent en fait ( ) la charge qui était partagée par trois à cinq personnes autrefois. P : L'autonomie du travailleur, ce que les Anglo-Saxons appellent l'empowerment, qui consiste à lui confier une plus grande responsabilité, est en fait le moyen de le rendre directement comptable de son implication dans la firme. P. 60-61 : La concurrence est interne à la firme, ou externalisée à des sous-traitants, mais elle est partout. Le stress devient le mode de régulation de la société post-fordiste. [...]
[...] Vers la fin du travail ? La persistance du chômage de masse et la poursuite de l'automatisation des tâches industrielles redonnent du crédit à la thèse marxiste selon laquelle le capitalisme est voué à s'effondrer sous le poids de ses propres contradictions, les travailleurs devenant de plus en plus pauvres. Or, un minimum de recul historique suffit à comprendre que le capitalisme a enrichi les masses, et surtout a amélioré leur niveau de vie bien plus que celui des riches. [...]
[...] Dès lors, il ne faut plus jouer sur la demande, mais sur l'offre, et également s'en prendre aux causes structurelles du chômage. Pour cela, il faut abandonner les politiques économiques de court terme. L'abandon de la relance keynésienne est souvent interprété comme une démission de l'Etat face aux perturbations du capitalisme, démission qui serait sanctionnée par le dogme libéral. Or l'interventionnisme des pouvoirs publics est encore nécessaire, notamment pour faire face aux crises financières. La dictature du profit à court terme et l'immédiatisation de l'information aggravent en effet le potentiel dévastateur des krachs boursiers. [...]
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