Sciences humaines et arts, Private truths, public lies, Timur Kuran, préférences publiques et privées, limites du rationnel, modèle néoclassique, sociologie de l'économie
Pourquoi les téléspectateurs, dans des sondages, dénigrent-ils les programmes qu'ils regardent le plus alors que les programmes qu'ils jugent de qualité ont les audiences les plus basses ? Les études d'opinion comparées aux données d'audience révèlent une incohérence entre la pratique et le discours des téléspectateurs « L'écart est très fort entre ce que chacun déclare être ses goûts ou ses pratiques et la réalité de l'audience » (Moureau/Vidal, 2009, page 2). Le décalage semble paradoxal au regard du modèle d'économie du rational choice selon lequel les individus sont des agents dénués de sentiments, qui cherchent à maximiser leur utilité selon des préférences rationnelles, stables et indépendantes de leur contexte. Il est en effet difficile d'expliquer que ces agents expriment des préférences totalement déconnectées de leur comportement. En l'espèce, la peur du jugement extérieur peut expliquer cette apparente incohérence.
[...] La prise en compte d'éléments sociologiques et psychologiques permet donc à Timur Kuran de démontrer l'existence d'un possible écart entre préférences publiques et privées, qu'il dénomme falsification des préférences. Cette falsification a des conséquences de grande ampleur sur le fonctionnement de la société B. La remise en cause de l'efficacité de régimes pourtant incontestés Les conséquences de la falsification peuvent être assez anodines, comme dans le premier exemple que donne le livre: l'invité qui ment sur son dégoût réel de la décoration intérieure de la maison de son hôte pour ne pas être impoli. [...]
[...] En l'occurrence ici le respect d'une décision prise par la majorité. La vision de la politique de Kuran exclu ces valeurs sacrées constitutionnelles et ne voit que des groupes d'intérêts tentant d'imposer leurs préférences au reste de la société. Il mésinterprète ainsi l'observation de Tocqueville sur la vie politique américaine: “tant que la majorité est douteuse, on parle; mais dès qu'elle s'est irrévocablement prononcée, chacun se tait, et amis comme ennemis semblent alors s'attacher de concert à son char.” (de Tocqueville p.149). [...]
[...] Timur Kuran PRIVATE TRUTHS, PUBLIC LIES Fiche de Lecture Introduction : L'incomplétude du modèle de préférences néoclassique Pourquoi les téléspectateurs, dans des sondages, dénigrent-ils les programmes qu'ils regardent le plus alors que les programmes qu'ils jugent de qualité ont les audiences les plus basses ? Les études d'opinion comparées aux données d'audience révèlent une incohérence entre la pratique et le discours des téléspectateurs L'écart est très fort entre ce que chacun déclare être ses goûts ou ses pratiques et la réalité de l'audience (Moureau/Vidal page 2). [...]
[...] La théorie de Kuran sur l'imprévisibilité des révolutions et d'un élément bacule s'accroche donc à la théorie de Schelling. Mark GRANOVETTER a également déjà développé un modèle de “seuil sociologique” pour certaines actions politiques en- dessous duquel les individus opteront pour des préférences qui ne sont pas les leurs à cause des coûts de se prononcer autrement (Sekeris p.3). A. Des lacunes du raisonnement Kuran n'aborde pas le problème de fixer des standards d'efficacité de systèmes démocratiques quand les préférences personnelles sont aussi facilement malléables. [...]
[...] Au possible manque d'originalité de sa théorie, différentes lacunes de raisonnement se profilent dans Private truths, public lies. A. Une synthèse de théories antérieures? Des voix critiques s'élèvent quant à la nouveauté de la théorie de Kuran: Jon ELSTER la résume à du “Tocqueville+Schelling” (Elster p.113), associant les explications du conformisme social du premier avec la théorie du “Tipping point” du deuxième. TOCQUEVILLE argumente que la démocratie américaine, en libérant ses citoyens du joug britannique les soumettait à une pire forme de tyrannie, celle du conformisme. [...]
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