La situation monétaire française au début des années 1920 est fonction de deux paramètres considérés rétrospectivement comme illusoires: l'espoir de réparations allemandes et d'un retour rapide à la parité-or d'avant-guerre. Or, s'agissant tant de la défaillance financière de l'Allemagne que de la défiance des agents économiques à l'égard du franc, la France est, au sortir de la première Guerre Mondiale, dans une posture délicate.
Le rôle joué par la Banque de France dans la régulation de ces tensions monétaires est fondamental: celle-ci instaure un double plafond constituant la base de la crédibilité de la politique monétaire: un plafond des avances octroyées par la Banque Centrale (en vertu de la convention François-Marsal) et celui de la circulation fiduciaire (devant demeurer inférieure à 41 milliards de francs). Toutefois, cette politique de déflation n'est pas sans limites. En premier lieu, du fait de l'absence d'effort fiscal suffisant et d'une certaine monétisation de la dette, la hausse de la circulation fiduciaire semble inexorable. D'autre part, la politique monétaire prônée par la banque centrale se heurte à l'opposition du trésor, et en particulier à celle de la direction du mouvement général des fonds; cette dernière faisant état du caractère chimérique du plafond de la circulation fiduciaire. En ce sens, nous pouvons ici entrevoir la concurrence existant en termes de pouvoir monétaire entre le trésor et la Banque Centrale. Selon Bertrand Blancheton, il y aurait même dans l'entre-deux-guerres une certaine corrélation entre difficultés économiques et perte d'autonomie de la Banque de France.
[...] De ce constat, découle une thèse que Bertrand Blancheton soutient dans la conclusion générale de son ouvrage : le rôle accordé à la banque centrale est fonction de la conjoncture économique. En ce sens, dans les années 1920 la perte d'autonomie de la banque centrale est très relative, eu égard l'évolution de son rôle dans les années 1930, et semble témoigner de la relative prospérité économique de la France lors de ces années. Bertrand Blancheton semble faire le constat de recommandations monétaires pour le moins dogmatiques de la Banque de France, et accorde ce faisant davantage de crédit aux idées soutenues par le Trésor. [...]
[...] Ce problème de crédibilité donna lieu à la seconde crise du franc des années 1920. En ce sens, le scandale des faux bilans constitue également une forme de révélateur concernant le caractère auto entretenu de l'inflation. La politique monétaire en vigueur dans les années 1920 en France pose un problème de gouvernance économique. En effet, comme le souligne Bertrand Blancheton, le caractère chimérique de l'utilisation du plafond de la circulation fiduciaire comme instrument de mesure de l'efficacité de l'action gouvernementale est indéniable. [...]
[...] Il s'agit tant de considérer son impact direct sur l'activité économique, que d'envisager son influence sur le comportement des agents. En soulignant le lien existant entre autonomie de la banque centrale et anticipation des agents, nous posons finalement le problème de la crédibilité des institutions. Afin de mieux appréhender le thème de la crédibilité des institutions, il semble opportun d'utiliser un graphique représentant les anticipations monétaires des agents. Anticipations monétaires des agents économiques. Période étudiée : 1919 - 1939[3] Partant du fait que des anticipations à la hausse sont synonymes de risques inflationnistes, de perte de valeur du franc, il semble clair que l'existence de variations fortes témoigne d'une défiance des agents vis-à- vis de l'action des pouvoirs publics. [...]
[...] La perte de l'autonomie de la banque centrale peut amener le gouvernement à mettre en œuvre une politique d'endettement ou de création monétaire, certes favorable à son action à court terme, mais posant véritablement un problème de déséquilibre structurel. De plus, au cours des années 1920, il semble indéniable que le chiffre des avances octroyées à l'Etat par la Banque de France constitue un des repères clé dans l'appréciation de la politique économique du gouvernement. Autrement dit, un laxisme trop important de la banque centrale au lendemain de la guerre aurait pu contribuer à des anticipations pessimistes de la part des agents. Il apparaît ainsi que le rôle économique de la gouvernance est double. [...]
[...] Il s'agit en ce sens de percevoir l'importance du rôle de la Banque Centrale et de souligner, par les interactions entre efficacité et crédibilité, la portée des anticipations des agents. Comme l'affirme Bertrand Blancheton, la politique de déflation menée par les autorités monétaires passa également par une intervention de la banque de France en externe, sur le marché des changes. En ce sens, nous pouvons comprendre que les enjeux d'une politique monétaire sont d'autant plus larges qu'ils concernent tant la monnaie en interne, que son utilisation dans le cadre des échanges internationaux. [...]
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