En effet, il faut surtout se garder de croire que la monnaie est une chose, un bien : ce qui est le plus proche de la monnaie, c'est le langage. Le point important n'est pas son appropriation mais le fait que tout le monde s'en sert en respectant certaines règles. La monnaie nous permet d'être reliés les uns aux autres sans le savoir : on ne produit pas pour quelqu'un en particulier, on vend contre de l'argent. « La monnaie est le lien social primordial des économies marchandes ». La monnaie n'est donc pas un bien, mais une relation basée sur la confiance, des représentations collectives, des attentes symboliques...
[...] La croyance en une société idéale caractérisée par la transparence des rapports sociaux et l'abolition de la rareté est dangereuse. La société marchande canalise la violence vers la monnaie et l'accumulation de marchandises sans cesse renouvelées (preuve que la richesse est un leurre). La théorie d'Aglietta et d'Orléan procède d'une critique de l'économie standard qui se donne un individu rationnel, en relation avec les objets, mais indépendamment de toute relation à autrui, comme si le désir était une relation sujet-objet. [...]
[...] La réalisation des intérêts privés dépend de l'acceptation ou du rejet par la société du résultat des actions qu'ils inspirent. Le lien social se présente donc sous la forme de la validation du résultat des actions individuelles. C'est ici qu'intervient la monnaie : elle est le pôle collectif du rapport individuel-social. Les individus peuvent exprimer leurs intérêts de manière indépendante et éventuellement conflictuelle parce que leurs actions doivent respecter une contrainte sociale, celle d'avoir à régler leurs dettes en monnaie. [...]
[...] Le troc est donc une situation de rivalité mimétique généralisée. Selon Menger, la monnaie procède spontanément du troc parce qu'elle résout le problème de la double coïncidence des besoins : il suffit que quelques unes prennent l'initiative de l'introduire et son usage se répand par imitation parce que les autres constatent son utilité. Mais cette théorie suppose le problème de l'émergence de la monnaie déjà résolu : au départ pourquoi accepter de la monnaie en paiement tant que l'on ne sait pas si les autres l'accepteront à leur tour ? [...]
[...] Il apparaît alors clairement que les anciennes règles favorisaient certains groupes au détriment de certains autres ; la crise sanctionne une évolution du rapport des forces et révèle l'ambivalence des institutions. Le sujet n'est pas autosuffisant ce qui nous conduit à rejeter la théorie néoclassique qui définit le sujet de telle sorte que se trouve abolie toute tension entre l'individu et le social. Le sujet ne parvient pas à se situer par rapport à lui-même, il cherche une référence extérieure et les autres sont dans la même situation que lui. Ainsi, dans le monde financier, c'est la perception que chacun a du comportement des autres qui importe. [...]
[...] Dans cette perspective, il importe de repérer les processus par lesquels les contradictions sociales engendrent les formes institutionnelles qui permettent de médiatiser ces mêmes contradictions. La société s'auto produit en se donnant, tout en les méconnaissant, les règles qui lui confèrent une certaine cohérence. Il ne faut donc pas partir d'un ordre établi mais de la question de l'ordre à partir du chaos. Ce que la violence a fait, elle peut toujours le défaire et, en conséquence, l'institution est toujours en sursis. [...]
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