Dans Les Grands Economistes, l'universitaire américain donne une vue d'ensemble des principales théories économiques de Smith à Schumpeter. Mais il ne se contente pas de faire de l'histoire de la pensée ; en plaçant au centre de son ouvrage les hommes qui ont façonné cette histoire de la pensée, Heilbroner construit son récit autour d'un fil d'Ariane particulièrement intéressant : comment les économistes ont-ils été influencés par l'Histoire ? Comment ont-ils influencé l'Histoire ? Nous avons préféré une analyse transversale à une étude linéaire et chronologique. Des économistes jureurs à leurs collègues réfractaires, nous rapprocherons donc les grands théoriciens du capitalisme en fonction de leur confiance ou de leur critique envers ce modèle auquel ils étaient confrontés tous les jours et qui n'a pu qu'influencer leurs travaux
[...] Mill élève le débat de la redistribution des richesses au-dessus du royaume étouffant de la loi impersonnelle et inévitable en lui faisant réintégrer le domaine de l'éthique et de la morale. Mill ne fut donc pas l'auteur d'un paradis réel comme Owen ou Fourier, mais il proposait une méthode d'amélioration de la société. Ces utopistes sont certes séduisants mais manquent indéniablement de crédibilité. Les socialistes utopistes ont réussi à dépasser la critique par le rejet pur et simple. Ils n'attendaient pas que le capitalisme évolue tranquillement vers son autodestruction, ils prenaient cette destruction en main en créant des paradis qui n'avaient rien d'imaginaire. [...]
[...] Les trente années qui séparent ces deux ouvrages expliquent-elles ce revirement ? Comme Keynes, Schumpeter vit la Grande Dépression et cet événement constitue un élément clef dans la formation de sa pensée sur le capitalisme. Il ne voit pourtant pas l'utilité de dépenses publiques pour relancer la machine capitaliste en temps de crise. La dépression est un test grandeur nature pour les idées de l'économiste autrichien. D'après lui, toute croissance économique est due aux innovations et au rôle décisif de l'entrepreneur. [...]
[...] Et pourtant, il est considéré comme un farouche opposant au capitalisme sauvage. De quel côté est réellement John Maynard Keynes ? Celui qui réussit à devenir l'architecte d'un capitalisme viable a autant étudié les conséquences économiques de la guerre et de la paix lors des deux conflits mondiaux que l'incroyable prospérité américaine des années 20 et les nouvelles méthodes de production qui l'accompagnaient (taylorisme et fordisme en particulier) ainsi que, bien évidemment, la terrible crise mondiale qui suivit le Jeudi Noir du Stock Exchange et le chômage qu'il avait engendré. [...]
[...] Il y a donc une interaction des idées et des structures sociales. On peut ici rapprocher Marx et Schumpeter, ce dernier ayant étudié de façon très approfondie les théories marxiennes. Mais là où l'Autrichien regrette que le capitalisme ne soit pas socialement viable, Marx se réjouit de l'autodestruction du capitalisme. En effet, il pense également que le capitalisme porte en lui ce qui le détruit, à savoir le conflit entre l'infrastructure interdépendante et la superstructure individualiste de la propriété privée. [...]
[...] Conclusion Que ces grands économistes aient été des admirateurs du système capitaliste ou ses plus grands détracteurs, ils ont tous été influencés par ce qu'ils voyaient autour d'eux. Leurs prévisions étaient hasardeuses et ces pronostiqueurs ont toujours à craindre l'irruption d'effets perturbateurs. Il n'y a pas de lois en matière de comportement social et les économistes doivent toujours s'attendre à ce que leurs visions soient, de ce fait, limitées dans le temps. Le capitalisme de Smith n'a plus rien à voir avec celui dans lequel nous vivons aujourd'hui. [...]
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