Alors que les Etats-Unis sont déjà profondément engagés dans le capitalisme financiarisé dominé par les fonds de pension, l'Europe, et en particulier la France, sont encore à la croisée des chemins. Y a-t-il lieu de se plaindre de ce « retard » ? Ce décalage est peut-être une chance. La déréglementation financière et le système des fonds de pension ne sont pas sans danger.
Pour Frédéric Lordon il y a lieu de réfléchir à deux fois avant de laisser s'enchaîner des réformes conduisant à un « totalitarisme actionnarial ». Le politique ne doit pas se laisser attirer par le chant des sirènes qui prône l'instauration d'un système de retraite par capitalisation. S'engager dans une telle voie c'est choisir un chemin justifié par un discours empli de lieus communs et de mensonges.
[...] Il est donc loin d'être sûr que le régime de retraite par capitalisation soit plus efficace qu'un régime de retraite par répartition. La vérité et les justifications du raz- de-marée des fonds de pension est ailleurs. Et c'est justement la que l'inquiétude me gagne. La principale différence entre les deux systèmes tient donc plutôt à leur fondement : la répartition est par nature collective et fondée sur la solidarité intergénérationnelle, alors que la capitalisation induit l'idée que chacun cotise pour sa propre retraite. [...]
[...] Mais n'est ce pas l'arbre qui cache la forêt ? Pendant que l'on parle de vertu, au moins on ne parle pas d'autre chose. En incriminant le manque de vertu du système on ne remet pas en cause son existence, mais ses modalités de fonctionnement. Or, le problème réside peut-être dans les structures même de la finance. La nouvelle société de la participation financière n'est pas remise en question. Le capitalisme actionnarial n'est pas brisé. A quand la grande crise qui va définitivement l'ébranler ? [...]
[...] Sans réglementation le marché ne peut pas exister. Dans la théorie de l'équilibre général walrasien aucune transaction ne peut avoir lieu sans le commissaire de gouvernement. Pour être effective la concurrence nécessite des règles et des institutions veillant à ce que certaines entreprises n'abusent pas de leur position dominante. Et ces procédures d'organisation et de surveillance du marché ont un coût. Ce coût de la concurrence est souvent mal connu ou ignoré. Il est passé sous silence dans les débats sur la déréglementation. [...]
[...] Il n'en est rien. La conception de l'entreprise qui sous-tend le capitalisme actionnarial est fondamentalement utopique. Il est illusoire de penser que l'on pourrait contrôler une entreprise de l'extérieur et obliger ses acteurs, et d'abord ses dirigeants, à ne suivre que les intérêts des actionnaires. Le fait est que démocratie et actionnariat ne font pas bon ménage. Certains affirment que les marchés financiers organisent une sorte de suffrage permanent. L'assemblée générale des actionnaires serait une nouvelle agora, où l'on délibère du devenir de nos actifs. [...]
[...] En moins de deux ans et demi l'euphorie s'est transformée en crise de confiance. La chute de l'indice SP 500, qui rassemble les cinq cents premières entreprises américaines témoigne de cette crise de confiance après dix ans d'euphorie boursière. Comme les prophéties radieuses semblent lointaines : Internet, nouvel eldorado de l'économie française (Le Monde mars 1999), comme celle de Wall Street, la hausse de la Bourse de Paris semble irrésistible. (Le Monde novembre 1999). Cette bulle internet continue encore aujourd'hui de se dégonfler. [...]
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