Cet extrait constitue le premier chapitre du livre de Gerschenkron dans lequel il étudie la condition des pays arriérés, qui présentent un retard économique par rapport aux pays développés. Gerschenkron est en effet le théoricien de la thèse du rattrapage économique. Il fonde cette approche sur une étude historique de l'Europe d'avant la première guerre mondiale. C'est pourquoi, dans un premier temps il justifie cette démarche en montrant en quoi l'histoire peut contribuer à comprendre les problèmes contemporains. Il montre ainsi que la cliométrie, qui constitue à dégager des modèles à partir de la mise en perspective de certains facteurs et de leurs interactions, peut dégager des mécanismes nécessaires à la compréhension des phénomènes actuels. Cependant, il insiste sur le fait qu'il ne faut ni surestimer ni sous estimer cette approche. En effet, il ne faut pas tomber dans une approche déterministe qui consisterait, comme Marx l'a fait, à voir dans le futur une reproduction du passé. Dans cette théorie l'action de l'Homme est totalement négligée, et en ce qui concerne les pays en développement, leur croissance ne peut que refléter celle qu'on connue les pays aujourd'hui développés. Ainsi, Gerschenkron défend l'étude des faits historiques afin de mieux discerner certains mécanismes qui peuvent être transposables actuellement même si c'est aux pays qu'il revient de construire leur propre modèle.
Ainsi, une fois sa démarche justifiée, Gerschenkron, en s'appuyant sur des faits historiques va montrer que le processus d'industrialisation lancé dans des pays présentant un retard économique diffère de celui qu'ont connu les pays développés, tant sur le plan de la vitesse de cette industrialisation, que sur celui de des structures qui en émergent. Ceci constitue la base de sa thèse sur le rattrapage économique. Dans un premier prouve que les pays en retard présentent un avantage par rapport aux pays développés : ils peuvent intégrer plus facilement les progrès techniques alors que le décalage crée une tension entre leur situation de développement et celle qu'ils peuvent espérer. Dans un second temps il étudie les différents instruments qui peuvent être utilisés dans les pays en retard, et ce en fonction de l'importance de leur retard. Enfin, il montre en quoi la différence dans les instruments utilisés engendre des structures d'industrialisation diverses. En conclusion il fait le parallèle avec les pays actuellement en retard.
[...] La structure du capitalisme a donc été fortement influencée par le degré initial de retard et les différents instruments qui en ont découlé. Gerschenkron, à partir de ces observations, conclut en faisant le rapprochement par rapport aux pays en développement des années 1960, moment où il écrit son livre. Il déduit de sa première observation concernant le rôle de l'industrie et de l'incorporation des nouvelles technologies dans le processus de rattrapage que la volonté des pays en développement de se lancer dans l'industrie lourde est compréhensible et naturelle. [...]
[...] Cependant, il montre qu'il faut des instruments à sa mise en place : banques, intervention de l'Etat. Dès lors, on se rend compte que, s'il apporte de nouvelles perspectives aux PED, l'exploitation du progrès technique peut être semée d'obstacles souvent difficiles à surmonter. Par ailleurs, son modèle de progrès technique exogène à la croissance n'explique pas vraiment ce qui est à l'origine de ce dernier. Par ailleurs, si ce phénomène est considéré comme naturel, Gerschenkron ne fait état que de peu de pays les autres étant vraiment trop arriérés. [...]
[...] Ainsi, ceci explique les différences entre le capitalisme continental développé en Allemagne et celui de type anglo-saxon issu de Grande-Bretagne. En effet, la tutelle du système bancaire allemand sur l'industrie, si elle s'est estompée au 20e siècle lors de la libéralisation, les banques universelles ont toujours été impliquées dans le développement industriel. Ceci explique le financement de l'investissement par l'intermédiaire d'emprunts bancaires alors que le système anglo-saxon est plus désintermédié. Par ailleurs, le système allemand a également conduit à la cartellisation de l'industrie, les banques limitant la concurrence entre les industries. [...]
[...] Mais tant qu'ils ne sont pas trop importants, le processus de croissance peut se mettre en place. L'usage de techniques nouvelles empruntées aux pays développés est essentiel dans cette démarche, en particulier car elle est à la base d'une possibilité de rattrapage économique. La mondialisation, qui participe à un mouvement d'échange des savoir-faire est donc essentielle. Voyons d'abord pourquoi ce facteur technologique peut permettre d'impulser l'industrialisation. L'usage de nouvelles techniques en Allemagne, rendu nécessaire et possible l'agrandissement des usines et la production de masse. Ceci a créé de nouvelles perspectives incitant les autorités à développer l'industrie. [...]
[...] C'est pourquoi les PID doivent les aider. Or cette catégorie représente malheureusement aujourd'hui un grand nombre de pays, en particulier africains. Autant dire que sa thèse n'est applicable qu'à un petit nombre de pays et qu'il ne dit pas comment aider les autres. Il précise certes qu'il ne faut pas leur imposer un modèle de croissance préconçu, mais ne donne aucune indication sur la façon de définir d'autres modèles, qui ne semblent pas si naturels que ça. Il semble d'ailleurs qu'il se contredise lorsqu'il justifie l'attrait du développement de l'industrie grâce aux exemples historiques. [...]
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