Ethique et économie d’Amartya Sen

Résumé du document

Remettre de l'éthique en économie : tel est le projet – audacieux – d'Amartya Sen dans Ethique et économie. La domination de la théorie néoclassique (qu'on appelle aussi, symptomatiquement, « théorie standard »…), sans égale aujourd'hui dans le monde académique en économie, marque l'avènement d'un individu maximisateur mué uniquement par son propre intérêt. L'« économie », en tant que discipline, est désormais couramment appelée « science économique ». Ce glissement sémantique n'est pas anodin, tant le caractère technique de l'économie est de plus en plus affirmé. Les développements récents en la matière marquent la volonté d'inscrire de plus en plus l'économie comme une science « dure ». La formalisation, à tort ou à raison (là n'est pas notre propos), prend une place croissante dans les revues académiques. La microéconomie et l'économétrie, deux disciplines très « mathématisées », dominent les enseignements en économie. Bref, l'éthique n'apparaît pas aujourd'hui comme une préoccupation majeure des économistes.

Extraits

[...] Il semble bien que l'étroitesse de cette conception en limite la portée. Pour Sen, les individus n'adoptent pas en tout lieu et à toute heure un comportement strictement rationnel : ils peuvent agir de façon désintéressée suivant d'autres critères (compassion, générosité En somme pour Sen il existe une pluralité de motivations et tenir l'égoïsme pour une réalité est peut-être un leurre, mais en faire un critère de rationalité est carrément absurde De la critique du critère de Pareto au concept d' action Comme on l'a vu, Sen s'en prend au critère de Pareto comme unique fondement de l'économie du bien-être de nos jours. [...]

[...] Nous verrons à ce sujet les deux origines qui fondent pour l'auteur l'économie, à savoir l'« éthique et la mécanique Puis il nous faudra évoquer le point de rupture développé par Sen, c'est-à-dire le(s) moment(s) où, pour lui, les économistes se sont fourvoyés. Un retour sur le concept de rationalité nous sera fort utile. Puis dans une seconde partie nous nous attacherons à montrer comment Sen s'attaque au critère de Pareto D'une domination sans conteste aujourd'hui dans l'économie du bien-être, il ne permet pourtant pas de prendre en compte certains critères, telle la distribution. [...]

[...] Le corollaire de ce théorème laisse espérer des applications plus éthiques Pourtant, l'absence de critère distributif complique la tâche. Bien sûr, on peut être tenté d'en introduire de nouveau, comme celui d' équité qui suppose que personne n'envie l'ensemble des biens matériels dont dispose un autre individu Mais, comme le souligne Sen, cette idée n'en reste est pas moins difficilement applicable. Distinction entre l'aspect bien-être et l'aspect action Toujours dans une optique de la critique de la théorie du bien-être, Sen va émettre une double remarque : L'utilité d'une personne représente, au mieux, le reflet du bien-être de cette personne. [...]

[...] Ainsi rappelle-t-il que la matière “économie” a été pendant longtemps considéré comme une branche de l'éthique Il s'agit donc de remédier à la dichotomie actuelle entre éthique et économie. Revenir aux développements originels de cette matière pour pouvoir en appréhender toute la dimension morale, c'est ce que nous propose Sen. Cette séparation qu'il décrie n'est bénéfique ni pour l'économie, ni pour l'éthique. La gloire actuelle de l'homo oeconomicus n'est pas neutre et, surtout, reste insuffisante pour utiliser la science économique à bon escient. Introduire, ou plutôt réintroduire, des considérations éthiques dans le raisonnement économique peut permettre, sans aucun doute, de l'enrichir. [...]

[...] Pour lui, il reste fondamental de réfléchir à la question de la norme ou de la conception du bien permettant ce type de comparaisons. Désormais, les tentatives de faire de l'économie du bien-être ont été entreprises sur la base des classements respectifs des différentes personnes concernant les états sociaux, autrement dit sur la base des préférences et sans aucune comparaison interpersonnelle des gains et pertes d'utilité. La base informationnelle a ainsi été réduite par cette nouvelle orientation. Le seul critère de base pour l'amélioration sociale est désormais la comparaison de Pareto Comme on va le voir dans notre seconde partie, Sen va s'atteler à critiquer ce concept. [...]