Le sociologue, Lucien Karpik, reconnaît à la théorie économique un domaine de validité au sens où celle-ci élabore des connaissances utiles à la science sociale ; néanmoins, celles-ci ne semblent pas suffisantes. En effet, la théorie de l'équilibre général avec son ensemble de marché où les individus peuvent agir selon la variation des prix sans s'occuper d'autres formes de relations sociales ne semble pas correspondre à l'économie dans sa globalité selon Karpik. Celui-ci s'intéresse justement à l'opacité du marché et à la difficulté corrélative des choix pour montrer que les marchés ne fonctionnent pas uniquement et de façon parfaite selon le mécanisme des prix. Karpik entreprend ainsi l'analyse d'un échange dominé par la logique qu'il appelle « économie de qualité » assurant l'ajustement de l'offre et de la demande par le réseau et la confiance. Ce sociologue va prendre pour exemple le service judiciaire.
Son étude se développe en trois temps : le sociologue commence par expliquer les phénomènes de réseaux qui se mettent en place face à la difficulté d'absence d'information pour ensuite dans une deuxième partie introduire le concept de confiance sur les marchés. Enfin, celui-ci développe l'idée de l'incertitude la qualité comme un mode de régulation distinct et concurrent de celui du prix à travers la notion du marché-jugement.
[...] De plus, le client n'est pas entièrement sous l'autorité de son avocat au sens où celui-ci peut utiliser son jugement pour évaluer l'action de son représentant. Cette logique amène Karpik à penser le jugement comme un principe d'organisation de la vie économique et de la sphère des relations sociales. En effet, Karpik fait apparaître l'idée que le marché-jugement, comme mode d'allocation des ressources, prime sur le marché-prix et cette primauté ne se limite pas à la seule sphère judiciaire mais à une partie de l'économie en général. [...]
[...] De même, la qualité du service est impossible à déterminer. Le client aura d'abord du mal à savoir ce qu'il conviendrait de demander à son avocat pour aller au mieux de ses intérêts et ensuite le résultat ne peut être connu du client que dans une période ultérieure à l' achat Cette situation rend problématique la rencontre marchande ; elle place le client dans une situation d'indétermination : absence d'information sur les prix et ignorance des qualités disponibles du service. [...]
[...] Selon le sociologue V. Mangematin, la confiance institutionnelle repose sur un principe de délégation à une autorité supérieure qui garantit les individus contre les risques d'aléa moral et de sélection adverse auxquels ils s'exposent lorsqu'ils sont amenés à s'engager dans des actions pour lesquelles ils sont en asymétrie d'information Or, ceci rejoint la pensée de Karpik pour qui la confiance peut s'apparenter à un contrat social, car la concurrence particulière entre les avocats relève d'une économie de la qualité. En effet, il affirme donc que la confiance institutionnelle est le fondement même du marché et que le marché des avocats existe par un système de garantie, qui donne des possibilités de recours auprès d'institutions judiciaires, mais surtout par l'existence du réseau et de la confiance. [...]
[...] Ainsi, contrairement à la représentation économique standard du marché, le marché autorégulé mis en évidence par Karl Polanyi laisse place aux marchés encastrés. Cette démarche contextualiste, tend à mettre à jour l'intégration des cadres relationnels dans l'explication des échanges marchands. Or, Karpik suit le même cheminement d'idée en ce sens que pour lui, la relation économique est encastrée au sein de ce qu'il nomme les "réseaux- échanges" et les "réseaux-producteurs". Selon Karpik, ces "réseaux définissent une forme d'échange économique qui ne peut fonctionner que par la relation sociale". [...]
[...] Enfin, le système quantitatif utilisé par Karpik (sur 10) reste très approximatif et n'apporte pas la rigueur nécessaire à l'édification de sa thèse. Dans une autre mesure, on peut également émettre une réserve concernant la généralisation possible de la thèse de Karpik tel qu'il le souhaiterait lui-même lorsqu'il énonce : L'organisation sociale propre au marché-jugement ne vaut pas seulement pour la profession d'avocat En effet, même s'il prend deux autres exemples que sont la grande entreprise et les institutions financières, ceux-là ne sont cités que brièvement et il en ressort l'impression que la thèse de Karpik est exclusivement tournée vers le monde des avocats, ce qui, à mon sens, enlève de la validité au propos et enferme l'idée d'économie de qualité au lieu de l'ouvrir et d'élargir l'angle de vue afin de prouver que la concurrence imparfaite est un fonctionnement habituel et non une exception (idée centrale chez Karpik, qui n'a su être démontrée qu'à partir d'un seul cas). [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture