Françoise Benhamou, économiste, professeur à l'université de Rouen et à l'Ecole nationale du
patrimoine, chercheur au MATISSE, est une spécialiste reconnue de l'économie de la culture. Elle a été conseillère auprès du ministre de la Culture (en 1989 et en 1990) et secrétaire général de la Bibliothèque nationale des arts (en 1990-1991). Dans L'économie de la culture, elle présente les multiples facettes de l'économie de la culture.
Pour Adam Smith ou David Ricardo, la dépense pour les arts relève de l'activité de loisirs, et ne
saurait contribuer à la richesse de la nation. Mais on va voir progressivement émerger les concepts qui forment le socle de l'économie de la culture : effets externes, investissements longs, spécificité de la rémunération incluant un fort degré d'incertitude, utilité marginale croissante, importance de l'aide publique ou privée. Les
institutionnalistes s'attelleront à définir l'importance des arts dans la vie économique. Kenneth Boulding considère les arts comme un moyen de créer et de faire circuler l'information. John Galbraith prévoit quant à lui que les arts sont appelés à prendre une importance économique croissante. Il regrette ce mouvement qui veut
que l'on sacrifie les décisions à des personnalités étrangères au milieu des artistes et des conservateurs. Mais ce sont surtout les travaux de William Baumol et de William Bowen sur l'économie du spectacle vivant, ceux de Gary Becker sur la consommation des biens dont le goût s'accroît au fil du temps, et ceux d'Allan Peacok et de l'école du Public Choice qui traceront les voies de la future économie de la culture. Celle-ci restera longtemps
partagée entre les résultats contradictoires de ces travaux : tandis que Baumol et Bowen démontrent que
l'économie culturelle est tributaire des subventions publiques, les seconds chercheront à renouer avec les
paradigmes traditionnels de l'économie politique. L'économie de la culture s'est ainsi développée. Elle devient un terrain privilégié de la vérification empirique d'avancées nouvelles.
Longtemps réduite au champ de l'art, l'économie de la culture a ignoré les industries culturelles,
considérant qu'elles relevaient du domaine de l'économie industrielle. Pourtant les liens sont plus forts qu'on ne le croit entre les industries culturelles et les arts vivants ou les beaux-arts. Quant à l'économie des médias, elle fut longtemps considérée comme un champ à part. Les rapprochements sont aujourd'hui multiples entre industries traditionnelles et médias. Qu'ont alors en commun les fréquentations des beaux-arts et celles des salles de cinéma, la lecture et l'écoute de la musique ? Des modes de formation de la demande analogue, des inégalités de fréquentation qui épousent les lignes de clivage dessinées par d'autres inégalités sociales, et, à l'autre bout de
la filière, le travail d'un créateur, au coeur de la formation de la valeur. Parce que consommations et emploi permettent à la fois d'appréhender le poids de l'économie culturelle et de saisir des éléments de convergence et des grilles d'analyse communes aux différents secteurs de la culture, notre premier chapitre leur sera consacré : on y trouvera les développements théoriques qui rattachent une partie de l'économie de la culture à la nouvelle microéconomie ainsi que quelques repères pour analyser les droits des auteurs. Dans les trois chapitres suivants, nous étudierons l'offre : en premier lieu, l'offre de spectacle vivant, sans doute la plus spécifique, puis celle des beaux-arts, depuis l'analyse des mouvements spéculatifs sur les marchés de l'art jusqu'à l'économie des musées
et du patrimoine. L'étude des industries culturelles, livre, disque, cinéma, nous conduira à constater la polarisation du marché entre de petites unités parfois éphémères et des groupes, dont les logiques de développement sont de plus en plus tournées vers les nouvelles technologies de l'information. Quel qu'en soit le domaine, l'intervention de l'Etat, fréquemment controversée, contribue à modeler l'offre et à infléchir la
demande. Nous la rencontrerons tout au long de ce livre. Dans un dernier chapitre, nous en préciserons les fondements et les perspectives.
[...] La fragilité économique de ce secteur, nourrie par la croissance des coûts et la quasi-absence de réserves de productivité, justifient sans doute l'ampleur des aides publiques et de l'appel au mécénat dans les pays traditionnellement libéraux. Cette intervention massive, très inégalement répartie, ne suffit pas à assurer au secteur un équilibre financier durable. L'offre de spectacles vivants à la merci de l'engagement public. On peut mesurer la production de spectacles vivants par le nombre des représentations, des créations ou des places offertes. [...]
[...] Face à la rareté de ses ressources, l'Etat est amené à différer sa dépense. L'animation ou la réutilisation des monuments permettent de générer des revenus. Mais les retombées économiques peuvent être assorties de coûts pour la collectivité, encombrement, dégradations. De plus, le coût de l'entretien n'est qu'exceptionnellement couvert par les revenus de l'animation. Préoccupations patrimoniales et préoccupations économiques ne font pas toujours bon ménage, et peut-être estce heureux. Le champ du patrimoine est, de ce point de vue, bien éloigné du domaine des industries culturelles. [...]
[...] Elle a conduit deux maisons Hachette, intégrée aujourd'hui au groupe Lagardère, et les Presses de la Cité qui deviendront Vivendi après toute une série de rachats à dominer la production et la distribution en France. En 2002, Lagardère reprend VUP (Vivendi Universal Publishing) pour 1,25 milliards d'euros. La situation française ne fait donc pas exception. Les majors du disque Sony Music, Polygram, EMI, WEA, BMG, MCA dominants sur toute la filière, disposent de fonds très riches qui leur assurent une prééminence au niveau mondial et les autorisent à se concentrer sur les valeurs sûres déjà reconnues. [...]
[...] Le bien culturel revêt en partie un caractère de bien collectif. Sa consommation est indivisible et il y a non-rivalité. Le coût marginal du consommateur supplémentaire est nul et, si l'exclusion par le prix est possible, un paiement forfaitaire, libre de la confrontation entre offre et demande, est établi. Il se peut de plus que l'offreur soit dans l'impossibilité de faire payer un prix pour l'accès à ce bien (non-excluabilité). Seul l'Etat, en répartissant la charge sur les citoyens par le biais de l'impôt, est à même de contrer le comportement du passager clandestin Des effets externes positifs apparaissent chaque fois que des individus ou des firmes sont affectés dans leur activité par l'existence du bien ou du service culturel, sans que le producteur puisse être payé en retour. [...]
[...] Cette explosion de la consommation trouve pour une part sa source dans l'accroissement de l'offre. Les projets de rénovation, extension, construction se sont multipliés à partir des années quatre-vingt. Dans l'ensemble, on constate l'importance des coûts en regard des moyens de fonctionnement, résultat certes non nécessaire du caractère non marchand de ces institutions. Aux Etats-Unis, la moitié des musées sont privés, les autres peuvent être publics ou mixtes. En France, en revanche, plus de 60% des musées sont la propriété de l'Etat ou des collectivités locales. [...]
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