Comment l'Asie du sud-est, dont les extraordinaires performances économiques des deux dernières décennies suscitaient une admiration unanime, a-t-elle pu sombrer en 1997 dans la plus grave crise financière de la fin du 20ème siècle ? Doit-on en déduire que nulle région du monde n'est à l'abri de ce type de crise et que les dépressions économiques sont inhérentes au fonctionnement du capitalisme à l'échelle mondiale ? C'est à ces deux questions que Paul Krugman tente de répondre dans son essai d'histoire économique, Pourquoi les crises reviennent toujours.
A la suite de la crise asiatique de 1997, Krugman nous expose sa théorie sur la récurrence des crises économiques, que l'on croyait révolues depuis celles des années 30. Selon lui, l'économie semble avoir la mémoire courte : les crises qu'elle subit ont souvent les mêmes causes et les mêmes effets, connus, analysés, disséqués, mais qui reviennent malgré tout régulièrement. Il souligne ainsi l'importance de la dérégulation financière internationale et des mouvements de capitaux des spéculateurs occidentaux, dans les crises économiques asiatiques, latino-américaine et russe de la fin des années 1990. Il montre également comment l'obsession de la libre circulation des capitaux et de la fixité des taux de change, comme conditions d'une insertion des pays émergents dans l'économie mondiale, a constitué une orthodoxie rigide qui porte aussi une part de responsabilité.
Cet ouvrage a été écrit en 1998, en pleine crise économique: « les pays émergents d'Asie semblaient avoir retrouvé le chemin d'une stabilité précaire, alors que le Brésil restait sous l'épée de Damoclès et que chaque semaine qui passait apportait son lot de mauvaises nouvelles du Japon ». The Return of Depression Economics est sorti début 1999 aux Etats-Unis, dans une période où l'économie mondiale était particulièrement chahutée. La traduction française, quant à elle, ne paraît qu'en 2000, alors que la croissance mondiale bat son plein, ce qui explique le changement de titre de l'ouvrage qui est passé de « Le retour de l'économie de dépression » à « Pourquoi les crises reviennent toujours ».
[...] Le risque le plus imminent avec le retour de l'économie de la dépression est évidemment la possibilité de la propagation du malaise. Les zélateurs du marché concurrentiel ont tort selon Krugman, de considérer les politiques keynésiennes comme l'ennemi de leur modèle. Aujourd'hui, on ne peut pas se contenter de défendre la mondialisation en répétant les mantras du marché libre, au moment précis où des économies s'effondrent les unes après les autres. Si nous voulons voir davantage de miracles économiques, plus de pays entreprendre une transition de la pauvreté extrême à l'espérance d'une vie décente, nous devrions trouver des réponses aux problèmes actuellement inextricables de l'économie de la dépression, essayer de réduire certaines faiblesses qu'ont soulignées les derniers événements du marché (la peur des fonds spéculatifs ayant révélé que les marchés financiers modernes ont réinventé des paniques bancaires traditionnelles). [...]
[...] (D'ailleurs, au moment où les choses tournèrent mal en Malaisie, le Premier Ministre, Mahathir, délira un moment sur une possible - mais fausse - conspiration américaine contre l'Asie. De plus, George Soros qui avait précipité la dévaluation de la livre en 1992, a accéléré à l'été 1998 la dégradation de l'économie russe en préconisant que la Russie dévaluerait le rouble et adopterait une caisse d'émission, ce qui entraîna une ruée sur la monnaie, une dévaluation inadaptée, puis l'engrenage de l'effondrement de la monnaie et de moratoire sur la dette. [...]
[...] L'économie mondiale s'est révélée bien plus dangereuse qu'on ne l'imaginait. Au cours des dernières décennies, des failles sont apparues du côté de la demande, devenant les limites évidentes à la prospérité d'une grande partie de la planète, résultant d'un sérieux déplacement du centre d'intérêt dans la pensée économique de la demande vers l'offre. Maintenant, les économistes sont nombreux à voir les récessions comme une question secondaire - les Banques centrales allant toujours de l'avant et permettant de sortir des récessions - et leur étude est un sujet peu gratifiant ; les sujets branchés se rattachent tous au progrès technique et à la croissance à long terme. [...]
[...] Comme Keynes l'avait fait dans les années 30, Krugman souligne la récurrence des crises en dépit des expériences passées. [...]
[...] En revanche, les concessions que doivent consentir les pays en développement semblent beaucoup plus délicates. On peut soutenir la thèse que la politique du FMI façonne le pire des mondes en défendant le taux de change à n'importe quel prix, sans qu'il y ait garantie absolue de réussite ni que cela empêche certains de spéculer sur l'échec de cette politique. Un choix clair en faveur de n'importe quelle alternative un taux de change flottant, une caisse d'émission, un régime de contrôle des capitaux (certainement l'option préférable) se révélerait meilleur que de se cantonner quelque part entre ces différentes mesures. [...]
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