Cet article, fruit du travail conjoint de Nathan Sussman et Yishay Yafeh, se veut une réponse à la thèse développée en 1989 par Douglass North et Barry Weingast au sujet de l'impact des changements institutionnels sur la situation économique de la Grande-Bretagne. Selon North et Weingast, la Glorieuse Révolution de 1688 a en effet précipité la mise en place de nouvelles institutions qui ont permis un contrôle accru de la politique fiscale de la Couronne, accroissant ainsi la confiance dans le Monarque quant au remboursement de l'emprunt public. Cette nouvelle donne aurait ainsi été à l'origine d'une chute du prix du capital dans le secteur public, matérialisée par la baisse du taux d'intérêt, et bientôt entraîné une évolution similaire dans le secteur privé. En définitive, ce changement institutionnel serait la source du développement précoce du marché financier britannique, facteur de croissance.
A l'inverse, Sussman et Yafeh tentent ici d'infirmer la thèse de North et Weingast. Selon eux, les révolutions, comme celle de 1688 en Grande-Bretagne, et tout les changements institutionnels brutaux, sont facteurs d'instabilité, et entraînent par conséquent une hausse des taux d'intérêt à court terme. L'argumentation de Sussman et Yafeh s'articule autour de trois axes principaux. Ils montrent tout d'abord que le coût du capital en Grande-Bretagne restait relativement élevé après la Glorieuse Révolution, et demeurait largement influencé par les épisodes de guerres ; en outre, le développement du marché financier Britannique n'a pas été une conséquence immédiate de la Glorieuse Révolution, ainsi que le montre la supériorité Hollandaise durant toute la première moitié du XVIIIème siècle ; enfin, une étude de cas de pays étrangers amène à relativiser l'impact de la Glorieuse Révolution sur la situation financière de la Grande-Bretagne.
[...] Néanmoins, cette situation ne valide pas pour autant la thèse de North et Weingast : de nombreuses défaites militaires, une instabilité monétaire récurrente ainsi qu'une forte inflation sont la cause première de la situation, et non le régime institutionnel. Sussman et Yafeh produisent ensuite l'exemple de deux nations belligérantes au XIXème siècle, la Russie tsariste et l'Empire Ottoman. Ces deux pays prouvent que l'absence d'Etat de droit et donc de protection des droits de propriété n'est pas un frein à l'emprunt international, les deux se situant parmi les plus gros emprunteurs entre 1870 et 1914. Enfin, l'impact immédiat d'une réforme institutionnelle sur les taux d'intérêt est nuancé par l'exemple du Japon. [...]
[...] La seconde observation concerne l'évolution fortement heurtée de ces courbes. En effet, la majeure partie de ces retournements aussi violents que soudains correspond aux dates d'entrées en guerre ou de cessation des combats de l'armée Britannique. Par exemple, les deux périodes de guerre contre l'Espagne, en 1701-1713 puis 1717-1720, renvoient à des hausses soutenues des taux d'intérêt. Le coût du capital en Grande-Bretagne est donc resté relativement élevé et largement fluctuant dans les décennies suivant de manière immédiate la Glorieuse Révolution, avant de se stabiliser à un niveau bas et plutôt stable dans la seconde moitié du XVIIIème siècle. [...]
[...] Le volume d'emprunt Britannique se rapprochant de plus en plus du volume Hollandais, les emprunts de la Hollande n'exercent plus la même influence sur les taux Britanniques. A l'inverse, c'est désormais le volume de la dette Britannique qui agit sur les taux Hollandais, ainsi que le montre le tableau 3. Le marché financier Britannique a par conséquent du attendre plus d'un demi-siècle après la Glorieuse Révolution pour s'affirmer réellement face à son concurrent Hollandais, ce qui minimise largement l'importance à court terme du changement institutionnel défendue par North et Weingast. [...]
[...] La portée comparative de cet indicateur permet de pallier l'absence de données relatives à la période précédant la Révolution Glorieuse, et d'établir ainsi un point de repère extérieur afin de donner un ordre d'idée du véritable niveau des taux d'intérêt britanniques sur la période. De cette étude découlent deux découvertes principales. Il apparaît en premier lieu que les taux d'intérêt immédiatement consécutifs à la Glorieuse Révolution s'établissent à un niveau bien plus élevé que ceux pratiqués en Hollande. Ainsi, le différentiel de taux d'intérêt entre la Grande-Bretagne et la Hollande croit fortement 1709, puis décline jusqu'en 1717 environ, tout en restant positif. Il faut ainsi attendre 1720 avant de constater une stabilisation et une décroissance effectives de ce différentiel. [...]
[...] Constitutions and Commitment: Evidence on the Relation between Institutions and the Cost of Capital Cet article, fruit du travail conjoint de Nathan Sussman et Yishay Yafeh, se veut une réponse à la thèse développée en 1989 par Douglass North et Barry Weingast au sujet de l'impact des changements institutionnels sur la situation économique de la Grande-Bretagne. Selon North et Weingast, la Glorieuse Révolution de 1688 a en effet précipité la mise en place de nouvelles institutions qui ont permis un contrôle accru de la politique fiscale de la Couronne, accroissant ainsi la confiance dans le Monarque quant au remboursement de l'emprunt public. [...]
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