'Richesse du monde, pauvretés des nations' est l'ouvrage le plus connu et le plus discuté de Daniel Cohen, professeur de sciences économiques à l'ENS. Dans cet essai, publié en 1997, l'auteur s'interroge sur la part du mythe et du bien-fondé de la «grande peur de l'Occident», à savoir la peur d'un appauvrissement des pays industrialisés par le commerce avec le Sud. Les réponses qu'il donne battent en brèche les idées reçues
[...] Selon Daniel Cohen, ce sont de fausses solutions. Il recentre dès lors le débat sur le véritable défi : celui de trouver une nouvelle cohésion sociale adaptée aux inégalités de la troisième révolution industrielle. Il n'est pas évident de trouver de réelles faiblesses ou de failles de raisonnement dans l'œuvre de Daniel Cohen, tant celui-ci est explicite et intelligible : Il enchaîne les rapports et interdépendances à tous les niveaux, tant international et national que politique et économique, sans qu'ils paraissent forcés ou mal placés. [...]
[...] Seuls les travailleurs non-qualifiés sont perdants, car le commerce mondial, en favorisant les producteurs d'idées (selon la typologie de R. Reich) au détriment des travailleurs routiniers est le moteur d'un enrichissement inégal. La mondialisation elle-même n'est pas à l'origine de ces inégalités : elle ne fait que se couler dans le moule des sociétés inégalitaires. Quel est donc, selon Daniel Cohen, la cause du retour du phénomène inégalitaire dans les pays riches ? C'est au développement du capitalisme qu'il faut imputer la responsabilité du chômage et des inégalités actuelles. [...]
[...] Sur le plan scientifique, on peut critiquer que la conception réductrice de la mondialisation au seul commerce entre pays pauvres et riches. En fait, toute l'analyse de Cohen dépend de cette définition étroite, faute de quoi il ne lui serait pas possible de blanchir la mondialisation de toute responsabilité face à la montée des inégalités contemporaines. Vu qu'il n'existe pas d'unanimité sur la définition appropriée du terme mondialisation dans la communauté scientifique, le point de vue défendu dans Richesse du monde, pauvretés des nations peut paraître légitime. [...]
[...] Une lecture superficielle de l'ouvrage de Cohen pourrait donc amener à mal comprendre le lien de causalité postulé entre mondialisation et l'éviction du travail non-qualifié. L'ouvrage de Cohen s'inscrit en effet dans un débat scientifique plus large qui oppose d'une part ceux défendant l'idée que la mondialisation est à la source de la montée des inégalités et d'autre part ceux qui pensent qu'il faut au contraire les imputer à la transformation structurelle du capitalisme à l'intérieur des pays industrialisés. Il semble difficile de trancher entre ces deux positions. Quoi qu'il en soit, l'œuvre de Daniel Cohen constitue un apport indispensable à ce débat. [...]
[...] Le renversement de perspective entrepris par l'auteur invite aussi à redéfinir les moyens de combattre la crise. Faire de la mondialisation la responsable en matière d'inégalités salariales et d'inégalités devant l'emploi dans les pays industrialisés est erroné et dangereux. Car, nous avertit Daniel Cohen, c'est en se convainquant que la menace qui pèse sur leurs sociétés vient du dehors que les pays riches se rendent aveugles aux transformations qu'ils ont eux-mêmes engagées ; c'est en cherchant au- dehors des boucs émissaires qu'ils s'éloignent de la recherche du bien commun. [...]
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