Commentaire d'un texte de Jon Elster, publié dans la revue Problèmes économiques du 13 janvier 1999 (n°2.599), et extrait de son article paru dans le numéro de mars 1998 de The Journal of Economic Literature sous le titre « Emotions and economic theory ».
Dans un extrait de son article « Emotions and economic theory », Jon Elster s'attache à montrer le rôle des émotions dans les comportements des individus, dans la détermination de leurs choix. Pour ce faire, il opte pour la question qui lui semble la plus pertinente, à savoir celle de l'interaction des émotions avec d'autres types de motivations, parmi lesquelles il considère l'intérêt matériel immédiat, indiquant que les conclusions tirées dans cette optique sont applicables à d'autres motivations, puisque les problèmes posés sont les mêmes. Il explore donc un domaine assez spécifique de l'analyse économique : celui du rôle de l'émotion, « état affectif, plaisir ou douleur, nettement prononcé »1, dans l'analyse économique, en considérant, tout au long de son texte, l'analyse coût- avantage des émotions, mais aussi d'autres aspects .
[...] Bien qu'il la considère comme la manière la plus commode de modéliser l'interaction entre les émotions et l'intérêt il estime qu'elle conduit également à négliger des aspects importants du rôle de ces émotions. Cette analyse consiste à considérer les émotions comme des coûts ou des avantages psychologiques, qui interviennent dans la fonction d'utilité de l'individu, puisqu'elles jouent sur la satisfaction des individus. Si l'étude des émotions semble être à la limite de l'économie et avoir une dimension plus psychologique, il utilise donc pourtant des notions-clés de l'analyse économique (utilité, préférences, Les émotions sont alors à l'origine des préférences des individus, et elles peuvent être estimées grâce à leur valence, c'est-à-dire l'attirance ou la répulsion que [l'individu] éprouve à leur égard Ce sont donc le plaisir et la peine liés à l'émotion qui permettent de déterminer le comportement de l'individu. [...]
[...] En revanche, il semble que, dans ce cas, la perduration du sentiment soit due à des normes sociales particulières, exaltant cette soif de vengeance. Le mépris et la haine, qu'il qualifie de préjudiciables peuvent également s'étendre dans la durée, mais, à la différence de la majorité des émotions, elles ne naissent pas nécessairement d'un évènement particulier Dans le premier cas, les autres sont considérés comme intrinsèquement inférieurs et dans le deuxième cas, comme intrinsèquement mauvais Une des conséquences de la haine sur le comportement de l'individu, selon Aristote, consiste en une volonté de destruction de la personne visée par l'émotion. [...]
[...] Pour l'auteur, cette théorie représente une alternative plus réaliste que le modèle coût- avantage. Par ailleurs, quand il aborde l'envie et l'indignation, il affirme que ces émotions peuvent être facilement modélisées comme des coûts dans le contexte d'un jeu de l'ultimatum Pourtant, en accord avec la littérature scientifique écrite à ce sujet, il évoque le fait que si quelqu'un est envieux vis-à-vis de la possession de quelqu'un d'autre, il aura tendance à vouloir détruire l'objet ou son propriétaire, mais cela aura l'effet inverse de celui escompté : l'envie de l'individu ne s'en trouvera pas atténuée, bien au contraire. [...]
[...] Le problème est que cet aspect important n'est pas mentionné et pris en compte par l'analyse coût- avantage. Ces aspects, évidemment non exhaustifs, montrent donc bien que l'analyse, selon laquelle un individu agirait en fonction d'un calcul coût- avantage dans lequel seraient intégrées les émotions, est certes applicable, et ce relativement aisément, mais que, par ailleurs, elle ne rend pas compte de tous les aspects de la question. II. Mise en valeur de deux points essentiels par Elster : dimension durable de certaines émotions et double rôle de celles-ci A côté de l'analyse coût- avantage, et d'autres théories qui lui permettent d'expliquer le rôle des émotions dans le comportement des individus, Jon Elster développe deux points importants : la dimension durable de certaines émotions et le double rôle de ces émotions. [...]
[...] Le premier exemple qu'il donne de ce double rôle se réfère à la culpabilité et à la prise de décision qui y est liée. En effet, selon la théorie des dissonances, l'individu qui se sent coupable cherche des raisons à son comportement. Mais si la rationalisation s'effondre, un changement de comportement apparaît C'est là que le double impact de l'émotion, ici de la culpabilité, intervient. En effet, si elle est à l'origine du changement de comportement, elle a aussi contribué à retarder le moment de ce changement, puisque c'est à cause d'elle que l'individu a essayé de rationaliser et d'expliquer son comportement. [...]
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