La question de la rémunération des dirigeants de grandes sociétés n'est pas nouvelle ; elle a fait l'objet de nombreux débats depuis la fin du siècle dernier, mais elle a repris de l'ampleur en 2008 avec la crise économique et financière internationale : il est reproché aux patrons des très grandes entreprises de percevoir des revenus en hausse constante alors que beaucoup de sociétés suppriment des emplois et mettent un nombre croissant de familles en difficulté. Ce contraste a ému les opinions de divers pays et poussé certains gouvernements à intervenir pour « encadrer » ces émoluments, surtout lorsque les entreprises concernées recevaient par ailleurs une aide publique. Il en résulte que le problème a pris une connotation à la fois politique et passionnelle qui risque d'occulter sa dimension spécifiquement économique.
[...] La rente des dirigeants est-elle durable ? Réservé primitivement au domaine foncier, le concept de rente a été progressivement étendu pour interpréter le comportement des acteurs économiques, à commencer par les responsables d'entreprises ; en particulier, les distorsions apportées au fonctionnement des marchés par les groupes de pression en vue d'obtenir des limitations à la concurrence ont constitué une cible privilégiée des économistes libéraux. Ces distorsions se traduisent en effet par des transferts de revenus entre catégories sociales et il s'agit alors de savoir si ces redistributions comportent un coût social. [...]
[...] Ce problème ne concerne en réalité qu'un tout petit nombre de gens, correspondant notamment en France aux principaux responsables du CAC 40, disons de cent à cent-cinquante personnes. Au sein de ce groupe, on opère parfois une distinction entre les entrepreneurs fondateurs d'entreprises ou leurs héritiers et les plus nombreux, les cadres qui ont fait carrière et réussi à accéder aux plus hauts postes grâce à leurs compétences ou à leur habileté politique Les premiers font fructifier leur patrimoine ; on peut les qualifier de capitalistes Les seconds sont au départ des salariés supérieurs ; ils s'identifient plutôt à la catégorie des managers analysée dès 1940 par James Burnham dans L'ère des organisateurs Selon une étude publiée par Haygroup, les PDG français du CAC 40 ont vu leur rémunération totale augmentée de 40% en 2007 pour atteindre une moyenne de millions d'euros, juste devant les Britanniques, mais loin derrière les Américains (13 millions) ; ce sont aujourd'hui les mieux payés d'Europe. [...]
[...] Marseille (Jacques) : L'argent des Français, Paris, Ed. Perrin Rouget (Bernard) : Recherche de la rente, Dictionnaire des sciences économiques, Paris, PUF. Vigliano (Marie-Hélène) : Les déterminants de la rémunération des dirigeants français, Thèse, Université de Paris-Dauphine, 2007. [...]
[...] Les entreprises souscrivent en outre pour leurs dirigeants des retraites surcomplémentaires qui viendront s'ajouter aux pensions de droit commun. L'intérêt de cette énumération désormais bien connue est de dégager l'importance croissante des revenus du capital par rapport aux salaires proprement dits dans le gain total des hauts dirigeants. Cette constatation n'est pas nouvelle ; le plus sûr moyen d'intéresser ces dirigeants au sort des actionnaires est en effet de les transformer eux-mêmes en capitalistes. La séparation entre dirigeants et actionnaires n'existe pas dans les grandes entreprises familiales aussi longtemps que des membres de la famille occupent les postes de direction ; dans les autres sociétés, la convergence entre les intérêts des dirigeants et ceux des actionnaires suppose que, d'une manière ou d'une autre, les dirigeants soient associés au capital. [...]
[...] Il est probable que, dans cette hypothèse, seule une reprise vigoureuse de l'activité accompagnée d'une réduction très significative du chômage serait en mesure de modifier les éléments du partage et de contester les rentes de situation. Mais ceci reste pour l'instant (2009) du domaine de la conjecture. À court terme, l'outil le plus adéquat d'un éventuel rééquilibrage reste la fiscalité. Indications bibliographiques Babeau (André) : Profit, Dictionnaire des sciences économiques, Paris, Presses universitaires de France Cohen (Daniel) : Le salaire des grands patrons est-il juste Le Monde /12/2007. Dossier : Comment maîtriser les revenus fous des PDG, Alternatives économiques, 276, janvier 2009. [...]
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