La question de la rationalité en économie s'est longtemps identifiée à la théorie classique et néoclassique du choix rationnel, axiome fondamental des sciences économiques modernes encore aujourd'hui.
[...] Un comportement « substantivement rationnel » est celui qui permet d'atteindre les buts fixés par une solution optimale. Simon conteste en premier lieu l'utilisation de cette rationalité substantive par les agents économiques en se basant sur les études psychologiques menées en laboratoire (notamment celles de Kahneman et Tversky) et qui tendent à montrer que les humains surréagissent ou ignorent les informations nouvelles qui leur sont apportées, en contradiction manifeste avec la rationalité substantive. De même, son observation des comportements des agents économiques, que soient les planificateurs publics, les investisseurs ou les entrepreneurs, l'amène à affirmer qu'ils usent de méthodes heuristiques pour déterminer des solutions raisonnables à des problèmes complexes. [...]
[...] Ces théories, qui forment un cadre théorique non unifié, décrivent une rationalité limitée, obéissant autant à des motivations égoïstes que morales ou collectives, et fortement déterminée par le contexte socio-historique auquel appartient l'individu. Cependant, la théorie du choix rationnel reste profondément enracinée dans la théorie économique, en raison de son unité et de sa simplicité. Son irréalisme est même considéré sans importance par ses tenants, et notamment par Milton Friedman, qui développe une vision instrumentale de la science économique dans laquelle une théorie ne doit pas être jugée sur le réalisme de ses hypothèses mais sur ses capacités prédictives. [...]
[...] Son homologue Frédéric Laville va plus loin et affirme que la rationalité ne peut être individuelle mais qu'elle se trouve au sein des groupes sociaux car la connaissance est distribuée entre les individus pour pallier leurs limites cognitives. La théorie de « rationalité située » la plus intéressante, est peut-être celle de Laurent Thévenot et de Luc Boltanski, pour lesquels une action rationnelle est nécessairement une action justifiable et légitime aux yeux de la société à laquelle appartient l'agent. Ainsi dans une société classique, une action rationnelle est celle dont le principe d'action est la tradition tandis que dans une société industrielle, seule l'efficacité et la compétence sont vues comme rationnelles. [...]
[...] En économie, le consensus majoritaire voit la rationalité comme le comportement de l'agent économique qui cherche à maximiser son intérêt propre. Cette notion est donc basée sur deux présupposés. Le premier est que l'agent a pour objectif unique et exclusif son intérêt personnel, à savoir la recherche du profit ou de l'utilité. La seconde hypothèse qui sous-tend la rationalité économique, est la maximisation ou l'optimalité. Ces fondements et leurs conséquences théoriques ont très vite été remis en cause par les économistes et philosophes, à l'exemple de Marx qui parlait des « eaux glacées du calcul égoïste ». [...]
[...] Simon a développé un modèle de rationalité limitée (bounded rationality), inspiré de la psychologie et qui se veut adapté à un monde caractérisé par l'incertitude, une concurrence et une information imparfaites et des capacités cognitives humaines limitées. Face à cette complexité, les agents économiques ne peuvent qu'adopter une approche heuristique faite d'apprentissage, d'essai et d'erreurs et de conceptualisation pour réaliser des prévisions et prendre des décisions raisonnables. Pour lui, la seule évolution possible de la théorie économique est l'étude de ces processus cognitifs qu'il désigne sous le vocable de « rationalité procédurale ». La rationalité de l'agent est donc limitée par le monde dans lequel il vit. [...]
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