Parmi les objectifs assignés à la réforme de l'Etat, souvent évoquée et toujours retardée, figure la redéfinition des missions et la maîtrise des effectifs, en d'autres termes la réduction du nombre de fonctionnaires. La France compte aujourd'hui un peu plus de 5 millions de fonctionnaires, soit environ un cinquième de la population active ; près de la moitié travaillent dans la fonction publique d'Etat, un tiers dans la fonction publique territoriale et les 20% restants dans la fonction publique hospitalière. La progression de ces effectifs est continue depuis de nombreuses années, en particulier chez les territoriaux du fait de la décentralisation et chez les hospitaliers du fait de l'évolution de la demande de soins. Sont-ils pour autant trop nombreux ? La réponse ne va pas de soi du fait de la diversité des situations.
Si l'on se contente d'une vision globale, il est vrai que l'emploi public est en France relativement important ; à la fin des années 1990, selon l'OCDE, l'emploi public total, y compris dans les entreprises publiques, atteignait 27% de la population active en France et 38% en Suède, mais seulement 23% en Italie, 17% au Royaume-Uni et 15% en Allemagne. On connaissait mal les raisons de ces différences entre des pays dont le niveau de vie et la culture sont pourtant voisins. Tout au plus peut-on soutenir qu'en France les actions effectuées par le secteur public ont longtemps bénéficié d'un préjugé favorable à l'opposé des opérations économiques privées considérées comme égoïstes et antisociales ; jusqu'à une époque récente, la vision moralement négative du marché et de la propriété privée a dominé l'opinion publique française et favorisé le maintien d'un secteur public important.
C'est sans doute la prise de conscience de l'importance des déficits budgétaires et de la croissance continue de l'endettement public qui a le plus contribué à faire évoluer cette opinion, non pas dans le sens d'une quelconque hostilité envers les agents de l'Etat, mais d'une prise de conscience de l'urgence des réformes ; dès lors que les dépenses en personnel (traitements et pensions de retraite) représentent dans notre pays 45% du budget de l'Etat, la question de la réduction du nombre de fonctionnaires ne peut plus être éludée. Dans cette mesure, le problème posé dépasse celui des effectifs de la fonction publique ; celui-ci n'est qu'un aspect particulier de la dérive générale des dépenses publiques et du rôle de l'Etat dans la société. Ce phénomène très ancien a toujours suscité une abondante réflexion de la part des économistes.
[...] Aussi longtemps que le secteur privé ne s'impose pas par sa qualité, il existe une pression permanente en faveur de l'intervention publique ; celle-ci est considérée comme insuffisante même si son offre dépasse la quantité qui assurerait l'équilibre sur un marché concurrentiel. Dans ces conditions, tout gouvernement soucieux de sa popularité aura intérêt à intervenir, même s'il doit emprunter pour financer ses activités et embaucher davantage de fonctionnaires. La dynamique bureaucratique Faut-il pour autant exonérer la fonction publique de toute responsabilité dans l'évolution de ses effectifs ? La réponse est négative au point que des théories ont été élaborées sur le thème à première vue péjoratif de la bureaucratie. [...]
[...] Au total, de nombreuses raisons mises en évidence par l'analyse économique suffisent à rendre compte des tendances générales à l'augmentation des effectifs de fonctionnaires et des difficultés à surmonter pour contrarier ou inverser ces tendances. Il semble toutefois que les problèmes budgétaires actuels, la politique monétaire rigoureuse de la Banque centrale et la pression des autorités européennes modifient quelque peu la donne, sans que l'on puisse faire aujourd'hui un pronostic raisonnable sur les choix de demain. Voir par exemple R. Fauroux et B. Spitz : Notre Etat, Le livre vérité de la fonction publique, Robert Laffont J.D. Lafay : L'économie mixte, PUF, Que sais-je ? 1051. [...]
[...] Pour l'essentiel[6], on suppose que, dans la plupart des cas, l'autorité de tutelle qui confie une mission particulière à un service et qui doit en contrôler l'application est moins bien informée que les administrateurs sur les coûts réels de fonctionnement de ce service ; autrement dit, le bureaucrate responsable va disposer d'un budget global pour organiser son activité, ce qui lui fournira une marge de manœuvre importante appelée budget discrétionnaire Mais comme il lui est impossible de puiser dans ce budget pour s'attribuer un supplément de revenu, sa rémunération va consister symboliquement dans le prestige consistant à diriger un service important. Il en résulte une tendance systématique à l'extension de l'activité du service concerné : le responsable cherchera à maximiser la taille de ce service et à obtenir dans ce but des crédits toujours plus importants. La surproduction et le suréquipement sont le résultat le plus probable du comportement bureaucratique. [...]
[...] Nombre d'arguments peuvent être invoqués en ce sens. - Citons d'abord les arguments d'ordre institutionnel. La démocratie représentative est souvent analysée sous la forme d'un marché politique avec des offreurs (partis, responsables politiques et administratifs) et des demandeurs (citoyens-électeurs et groupes d'intérêt organisés). Les électeurs tirent avantage de la fourniture gratuite ou à un tarif intéressant de biens et services publics et de transferts sociaux redistributifs ; les groupes de pression cherchent à obtenir pour leurs membres une législation favorable, des avantages fiscaux, des subventions. [...]
[...] Lafay : Bureaucratie, Dictionnaire des sciences économiques, PUF, Paris. Yves Crozet : Analyse économique de l'Etat, Paris, A. Colin, Collection Cursus. J.D. Lafay : Bureaucratie, op.cit. ; X. Greffe : Analyse économique de la bureaucratie, Economica, Paris. [...]
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