La science économique est souvent mise en cause depuis quelques années. Ce que l'on a appelé « la crise » depuis 1974, la montée du chômage en Europe et de la pauvreté aux Etats-Unis, le creusement des inégalités dans l'économie mondiale, les crises financières russe et asiatique…On n'en finirait pas d'énumérer des événements ou des évolutions qui prennent en défaut, semble-t-il, l'analyse économique. Certains auteurs ne s'y sont pas trompés qui ont fait de la critique de la science économique et des économistes des succès de librairie (on pense à « L'horreur économique » de V. Forrester, mais ce livre n'est pas isolé comme en témoignent les ouvrages d'A. Jacquard ou de B. Marris).
Derrière tous ces débats sur la portée et la pertinence de la connaissance économique se cachent un débat plus fondamental. La science économique est née (comme discipline autonome à vocation scientifique) à la fin du XVIIIe siècle avec l'œuvre d'Adam Smith, depuis cette époque, peut-on dire que des connaissances cumulatives ont été produites ? Notre connaissance de la réalité économique est-elle meilleure ? Les outils que nous utilisons sont-ils plus performants ?
Certains, y compris parmi les économistes, en doutent fortement. Ils soulignent que les discours économiques sont toujours structurés par des oppositions d'origines : libéralisme contre socialisme ou interventionnisme, ouverture à la concurrence ou protectionnisme plus ou moins éducateur, efficacité ou équité…les mêmes thèmes seraient repris de génération en génération par les économistes. Ce serait donc la thématisation (et non la cumulativité) qui caractériserait la connaissance économique.
A l'inverse, d'autres auteurs insistent sur le fait qu'il y a bien cumulativité. Ils soulignent que la connaissance économique est de plus en plus sollicitée pour résoudre des problèmes concrets et qu'elle se montre opérationnelle (choix en matière de transports ou d'infrastructures, politique de la concurrence, politique de défense de l'environnement etc.). On va parfois même jusqu'à affirmer qu'il n'y a plus désormais qu'une seule science économique et que les oppositions doctrinales relèvent d'une époque révolue.
Après avoir montré que dans une large mesure la thématisation l'emporte et que les mêmes problématiques sont sans cesse réactualisées ou redécouvertes, nous soulignerons qu'il existe cependant un indiscutable progrès de la connaissance économique, mais que ce progrès n'est pas contradictoire avec le pluralisme des approches théoriques.
[...] La science économique : des controverses toujours recommencées ? On raconte (mais on ne prête qu'aux riches) que R. Reagan, lorsqu'il était Président des Etats-Unis, s'irritait du fait que, lorsqu'il consultait deux économistes, il avait trois avis différents. Et il est vrai, symptôme inquiétant pour la science économique, que même au sein de son équipe de conseillers économiques, tous libéraux convaincus, un clivage majeur opposait les économistes de l'offre aux monétaristes. Par exemple, les premiers, à la suite d'A. Laffer, étaient favorables à un retour à l'étalon or que les seconds ne jugeaient ni souhaitable ni possible. [...]
[...] Dans cette tradition, au sein de laquelle on trouve Ricardo au XIXe siècle, I. Fisher au début du XXe, M. Friedman et les nouveaux classiques aujourd'hui, la monnaie est neutre, elle est un voile qui n'a pas d'impact sur les variables réelles de l'économie. A l'inverse, une autre tradition, au sein de laquelle on trouve Cantillon, Marx, Keynes, Myrdal, Schumpeter, considère qu'il existe une différence de nature entre économie monétaire et économie de troc. Dans cette seconde perspective, la distinction réelle/monétaire n'a pas de sens et la monnaie est au cœur des décisions que prennent les agents économiques en matière de production, d'investissement et d'emploi. [...]
[...] Il était pourtant considéré (et il se considérait lui-même) comme un socialiste. Il s'est d'ailleurs prononcé pour la nationalisation de la terre et des chemins de fer et il pensait qu'à côté de l'économie politique pure, devaient se développer une économie politique appliquée et une économie sociale. Schumpeter lui aussi se révèle difficile à classer. Il considérait certes que la science économique était cumulative, mais son œuvre se situe à la fois en continuité et en rupture avec les œuvres de Marx et des classiques. [...]
[...] L'œuvre de Marx lui-même a mis en évidence des phénomènes qui appartiennent désormais au patrimoine commun des économistes : par exemple, en montrant que la logique du capitalisme pousse à la concentration et à la centralisation du capital, Marx a mis au jour une loi tendancielle dont de nombreux économistes, même non marxistes, se sont inspirés. Il y a donc ici, une indiscutable cumulativité, en dépit des oppositions politiques et doctrinales. La théorie du commerce international offre un autre exemple de cumulativité. Les physiocrates s'étaient contentés de lancer l'idée du laissez-passer A. [...]
[...] Ces convergences méthodologiques ne se sont pas accompagnées d'une réduction du pluralisme. Tout au contraire, dans la plupart des pays industrialisés, on considère que l'existence de diverses institutions d'analyses et de prévisions économiques est un gage de qualité et un moyen de favoriser le débat démocratique. En France, à côté de l'INSEE existent un organisme indépendant de nature universitaire (OFCE), un organisme géré par les organisations syndicales (IRES), des organismes proches du patronat (Rexeco et Institut de l'entreprise). De la même façon, les progrès méthodologiques n'ont pas conduit à la domination sans partage d'une seule vision de l'économie. [...]
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