Le contrôle des fusions-acquisitions dans l'Union européenne a longtemps été de la compétence exclusive des Etats membres. Le Traité de Rome du 25 mars 1957 instituant la Communauté Economique Européenne n'avait pas prévu de mécanisme spécifique permettant de contrôler l'incidence des opérations de croissance externe sur la concurrence. En l'absence de dispositions particulières, les autorités communautaires de la concurrence limitaient leur contrôle au respect des articles 81 et 82 du Traité relatifs aux ententes anticoncurrentielles et aux abus de position dominante. Elles ont ainsi fait application des règles du droit antitrust à une fusion-acquisition renforçant une position dominante et à une prise de participation dans le capital d'une entreprise concurrente permettant d'exercer une influence déterminante sur son comportement sur le marché .
Si la réalisation du marché commun, les progrès de l'intégration économique communautaire et les restructurations industrielles justifiaient l'introduction d'un contrôle des fusions-acquisitions à l'échelle de la Communauté, cette réforme se heurtait néanmoins à l'épineuse question de la souveraineté des Etats membres. L'instauration d'un contrôle communautaire des concentrations achoppa pendant seize ans en raison notamment de l'hostilité de la France et du Royaume-Uni, qui entendaient préserver leur compétence exclusive en matière de politique industrielle. L'adoption du règlement communautaire n°4064/89 du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises et son entrée en vigueur le 21 septembre 1990 ont mis un terme à ce débat.
Le contrôle communautaire des concentrations porte sur les fusions, les prises de participations majoritaires, minoritaires ou croisées et la création d'entreprises communes. Il s'ajoute à la police des concentrations exercée traditionnellement par les Etats membres, sans s'y substituer totalement. La répartition des compétences entre les autorités nationales et communautaires repose sur un système de seuils complété par des mécanismes de renvoi. Le contrôle des fusions-acquisitions incombe principalement à la Commission européenne, érigée en véritable régulateur. Elle autorise ou interdit les opérations de fusion-acquisition soumises à son appréciation en fonction de leur impact sur la concurrence, sous le contrôle des juridictions communautaires.
Malgré sa révision en 1997 , le règlement n°4064/89 du 21 décembre 1989 a récemment été abrogé et remplacé par le règlement n°139/2004 du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises . Cette réforme s'est accompagnée de l'adoption d'un nouveau règlement d'application , de Lignes directrices et de « Best practices » sur le déroulement de la procédure de contrôle. Elle s'inspire profondément du système américain par l'abandon du test de la position dominante, la prise en compte des gains d'efficience et l'allongement des procédures. La modernisation du contrôle des concentrations au sein de l'Union européenne accorde également une place plus importante à l'analyse économique.
Les interventions du régulateur européen suscitent désormais un intérêt particulier avec l'intensification des fusions-acquisitions transfrontalières et le renforcement du contrôle juridictionnel de ses décisions. Depuis 2002, les juridictions communautaires ont, en effet, modifié sensiblement leur appréciation des décisions de la Commission, n'hésitant pas à annuler trois déclarations d'incompatibilité entachées de graves erreurs d'appréciation .
Cet intérêt renouvelé pour le contrôle communautaire des concentrations n'a fait que révéler son rôle essentiel dans le bon fonctionnement de l'économie de marché au sein de l'Union européenne. Il appartient, en effet, à la Commission européenne d'empêcher les fusions-acquisitions qui s'avèrent défavorables à la concurrence dans le marché commun. Mais, elle ne doit pas entraver les restructurations d'entreprises qui « correspondent aux exigences d'une concurrence dynamique et (…) de nature à augmenter la compétitivité de l'industrie européenne, à améliorer les conditions de la croissance et à relever le niveau de vie dans la Communauté » .
[...] N. COUTINET et D. SAGOT-DUVAROUX, Economie des fusions-acquisitions, chap : Les F&A et la politique de la concurrence, Editions La Découverte E. COMBE, op. cit. H. BERMEK, La position dominante collective et l'analyse rétrospective du projet de réforme des concentrations : vers une Terra Incognita www.etudes-europeennes.fr, octobre 2004. A. [...]
[...] Au delà, l'autorisation de l'opération est conditionnée à des études complémentaires. Notons que ces seuils sont moins stricts que les valeurs retenues par les autorités américaines[34]. Mais la Commission ne précise pas lequel des critères, IHH ou parts de marché, domine l'autre en cas de conflit entre les résultats obtenus. La Commission définit également les cas susceptibles de produire des entraves significatives à une concurrence effective : il s'agit notamment des effets non coordonnés et des effets coordonnés[35]. Les premiers (qu'on qualifie aussi d'effets unilatéraux[36]) correspondent pour partie à l'ancien critère de position dominante individuelle et se produisent le plus souvent lors de concentrations entre entreprises à parts de marché importantes ou à produits fortement substituables, lorsque les clients ne peuvent changer facilement de fournisseur, ou encore si l'opération élimine une entreprise moteur pour la concurrence. [...]
[...] et à la Commission (art. 22) et nécessite l'accord des deux autorités concernées dans des délais précis[18]. Enfin, la réforme de 2004 visait à répondre aux critiques du système même de prise de décision qui faisait apparaître la Commission comme juge et partie, du fait de la confusion en un seul organe du pouvoir d'instruction et du pouvoir de décision. Or, il est à noter que sur ce plan les changements sont minimes, comme la suppression de la Merger Task Force de la Direction Générale de la concurrence pour la remplacer par un ensemble diffus d'équipes spécialisées par domaine, ainsi que l'institutionnalisation du contrôle d'une même affaire par une deuxième équipe (lors de la deuxième phase). [...]
[...] SCHMIDT, préc. Lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales, préc. Merger Guidelines (1982) : autorisation sans conditions pour : IHH inférieur à 1000 ; entre 1000 et 1800 mais augmentant de moins de 100 ; supérieur à 1800 mais augmentant de moins de 50, V. COMBE, préc. Lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales, préc. S. VOIGT et A. SCHMIDT, préc. [...]
[...] Lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales, préc. ibid. http://europa.eu.int/comm/competition/citizen/citizen_mergers_fr.html. Lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entreprises, préc. Article paragraphe point du règlement (CEE) n°4064/89, préc. Décis. n°2000/42 de la Commission mars 1999, JOCE L janvier 2000, Danish Crown / Vestjyske Slagterier. A. [...]
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