« Nous sommes tous keynésiens », déclarait en 1972 le Président Nixon. En effet, dans les années 1970, la plupart des pays développés occidentaux avaient épousé les thèses de l ‘économiste britannique. Les Etats intervenaient beaucoup dans les économies, soit directement en devenant des acteurs du marché (grands travaux par exemple), soit indirectement en réglementant l'activité économique, c'est-à-dire en produisant des normes plus ou moins contraignantes relatives à l'exercice d'une activité ou à l'accès au marché ; à ce titre, le Professeur Delvolvé parle de prescription, alors que l'intervention par voie d'action renvoie à l'intervention de la puissance publique en tant qu'acteur de l ‘économie. Les économistes libéraux de l'époque contestaient ces dispositions au motif que l'économie libérale, régulée par un marché seul à même d'assurer l'allocation optimale des ressources donc l'intérêt général, ne saurait s'accommoder de la réglementation économique. Cette antinomie théorique a trouvé un écho dans la pratique politique, puisque les années 1980 ont été celles de la déréglementation, sous la houlette de Margaret Thatcher en Grande-Bretagne et de Ronald Reagan aux Etats-Unis.
Toute réglementation n'est pourtant pas contraire au fonctionnement de l'économie libérale. Il est communément admis depuis les travaux de Fernand Braudel que l'économie capitaliste a connu son développement historique en même temps que le cadre institutionnel général devenait suffisamment stable pour garantir la sécurité des échanges. La réglementation d'ordre public est donc en quelque sorte un préalable au bon fonctionnement de l'économie libérale. Certaines formes de réglementation économique spontanées (par exemple les codes Incoterms en droit commercial international, pour uniformiser les expressions utilisées dans les contrats) sont considérées par des libéraux radicaux tels Friedrich von Hayek comme favorables au fonctionnement du marché. La contradiction apparaîtrait donc lorsque la réglementation est centralisée au niveau de la puissance publique et lorsqu'elle est réductrice des libertés économiques. La réglementation créerait des rigidités empêchant l'allocation optimale des ressources alors que son but est a priori la réalisation de l'intérêt général.
Cette contradiction est-elle pour autant indépassable ? L'évolution des formes de réglementation de cette dernière décennie, si l'on s'intéresse essentiellement à la France, semble indiquer que la réglementation peut être faite non pas pour limiter le libre exercice des mécanismes de l'économie libérale, mais au contraire pour le faciliter et l'accompagner ; et ce notamment au regard de l'essor de la régulation, concept qui comprend la réglementation et dans le cadre duquel celle-ci évolue. Si la réglementation économique est perçue par la théorie économique libérale classique comme une entrave au fonctionnement du marché (I), la régulation peut s'avérer être a contrario un mode d'accompagnement de l'économie libérale (II).
[...] Or, la réglementation économique se manifeste notamment par un contrôle des prix. Le marché réagit alors par un rationnement des quantités. Lorsque le prix fixé est trop bas, l'offre se réduit et la demande se trouve rationnée ; cette situation s'est notamment rencontrée en France dans le secteur du logement avec la loi de septembre 1948, organisant le contrôle des loyers. Lorsque le prix fixé est trop haut, la demande diminue et l'offre se trouve rationnée. Dans les deux cas, l'allocation optimale des ressources est perturbée ; l'optimum de Pareto ne peut être atteint. [...]
[...] La régulation inclue la réglementation, mais elle est moins contraignante qu'elle. La régulation a accompagné la privatisation des services publics britanniques au cours de l'ère Thatcher. De nombreuses agences de réglementation ont été créées à cette occasion (Office of Gas Supply en 1986, Office of Electricity Regulation en 1990), agences qui sont l'une des caractéristiques de la régulation. En quelque sorte, la réglementation est désétatisée en ce sens qu'elle devient le fait d'autorités de régulation distinctes de l'Etat, réglementeur traditionnel en France. [...]
[...] Car la régulation a également pour but de concilier le marché et l'intérêt général. Agir là où le marché n'agit pas Ici, il s'agit essentiellement des instruments de régulation visant à corriger les externalités négatives. L'autorité de régulation doit calculer le niveau optimal de production d'externalités et mettre en place un mécanisme qui va contraindre ou inciter les agents économiques à l'atteindre. Ainsi, la législation française en matière de nuisances est abondante ; par exemple, loi du 12 juillet 1999 portant création d'une Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, AAI caractéristique des organes de régulation puisqu'elle agit au travers de l'édiction de codes de bonne conduite (guidelines anglo-saxons) mais aussi au travers de la saisine de l'administration afin de faire prononcer des sanctions. [...]
[...] Supériorité en quelque sorte consacrée par le législateur français au lendemain de la Révolution. Si la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ne consacre pas directement la liberté d'entreprendre, le décret d'Allarde (loi des 2-17 mars 1791) instaure, lui, la liberté pour toute personne de faire tel négoce ou d'exercer telle profession, art ou métier qu'elle trouvera bon autrement dit la liberté du commerce et de l'industrie. Le Conseil d'Etat continue d ‘appliquer ce texte (22 juin 1951, Daudignac), de même que la Cour de Cassation (22 octobre 1985, Société générale mécanographie Société Etienne Bureau). [...]
[...] Ainsi, dans le contexte de déréglementation de la première cohabitation, le Gouvernement Chirac a supprimé l'autorisation administrative de licenciement (loi du 3 juillet 1986). Mais la réglementation économique ne se limite pas au contrôle des variables d'ajustement que sont les prix, les salaires et la main-d'œuvre. Typologie des prescriptions limitant les libertés économiques Les régimes de déclaration permettent aux pouvoirs publics d'être informés de l'exercice d'une activité, par exemple de la publication d'un journal ou écrit périodique (article 7 de la loi du 29 juillet 1881). [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture