La banque centrale est un acteur du système économique dont les faits et les discours, de nos jours, sont soumis à une attention particulière : attendue avec impatience, chaque intervention est âprement commentée, ce qui prête à penser que l'adjectif qui qualifie cette entité est approprié : elle occupe un rôle central. Chaque information ou décision qui en émane, en effet, est suivie par tous les agents économiques et fait l'objet d'analyses approfondies de la part des experts : l'évaluation de l'impact, souhaité ou redouté, de ces nouvelles données suscite les développements d'une exégèse économique chaque fois renouvelée. Loin de se cantonner à la sphère des initiés, les commentaires sur le rôle de la banque centrale ne laissent guère le champ politique indifférent. Ainsi, au sein de la zone Euro, notamment en France, les reproches adressés à une institution que d'aucuns qualifient « d'autiste », eu égard à l'orthodoxie de la politique monétaire menée par l'institution, sont monnaie courante. Les réactions inquiètes suscitées plus récemment par la décision annoncée (7 décembre 2006) par la BCE de remonter son taux directeur à 3,5 en sont l'illustration. Dépassant le débat habituel autour du statut d'indépendance de la Banque Centrale européenne, une candidate à l'élection présidentielle française allait même jusqu'à dénoncer « l'omnipotence de la BCE » sur le terrain économique. La banque centrale constituerait en quelque sorte un Léviathan économique, disposant des leviers des politiques économiques à sa guise.
Au-delà de discours que l'on peut supposer conditionnés dans une certaine mesure par les contingences politiques et électorales (l'indépendance des banques centrales, nous le verrons, se justifie substantiellement par le souci de se prémunir desdites contingences pour la conduite de son action), il convient de décrypter les éléments permettant de se prononcer entre ces deux alternatives extrêmes auxquelles le débat se résume fréquemment : organe tout puissant sur le champ économique abusant de son indépendance ou bien bouc émissaire de l'incapacité des gouvernements à influer sur l'évolution de l'économie réelle ?
Il s'agit ainsi de déterminer la place réelle occupée aujourd'hui par les banques centrales dans les politiques économiques. Quelle est l'ampleur de leur pouvoir d'action dans le champ de la politique économique et de leur domaine(s) d'intervention? De quels moyens disposent-elles pour jouer un rôle sur l'économie réelle ?
[...] La Banque de France ne fut nationalisée qu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. L'éclatement de la bulle spéculative au Japon dans les années 90 et les conséquences dramatiques qui s'ensuivirent sur le secteur bancaire du pays ont été imputés en partie au laxisme de la Banque du Japon. La monétisation, mode de financement du déficit budgétaire, consiste en un crédit accordé par la banque centrale à une administration publique, ce qui revient, grosso modo, à faire fonctionner la planche à billets Pratique qui conduit à fixer le rythme de l'émission de monnaie en fonction des exigences du Trésor plutôt que des besoins de transaction de l'économie, elle est un puissant facteur d'inflation. [...]
[...] Compétence de la banque centrale, la politique monétaire constitue l'une des modalités des politiques économiques. Celles-ci englobent les différents types d'intervention publique mises en œuvre dans le but d'influencer certaines variables économiques : les objectifs finals. Allocation des ressources, redistribution, stabilisation macroéconomique (réduire les écarts par rapport à l'équilibre, pour rejoindre l'optimum de Pareto, selon les conditions identifiées par Arrow et Debreu, 1953), constituent des fonctions essentielles de la politique économique. On peut résumer les objectifs de la politique économique à travers la réalisation du fameux carré magique théorisé par Kaldor, qui présente quatre objectifs à atteindre : taux de croissance élevé, plein emploi, stabilité du niveau général des prix, équilibre de la balance des paiements. [...]
[...] La théorie économique préconisant un recentrage de la politique monétaire vers la lutte contre l'inflation a été relayée par le contexte économique des années 1970-80. Les fortes hausses du prix du pétrole (1973 puis 1978) et, pour les pays européens, l'appréciation du dollar (monnaie de facturation du pétrole) créent une combinaison inédite de faible croissance et d'inflation[8], la stagflation qui met à mal l'arbitrage entre inflation et chômage. De nombreux gouvernements vont donner la priorité à la relance de l'économie, en tentant de stimuler la demande, tentatives qui se soldent par de cuisants échecs. [...]
[...] L'expérience montre qu'aucun banquier central ne peut fermer complètement les yeux lorsque le chômage augmente. Bien que cela puisse surprendre, l'Eurosystème semble opérer ainsi également, en dépit de la hiérarchie des objectifs que les traités semblent organiser et en vertu de laquelle on s'attendait a priori à ce qu'elle se désintéresse de la situation conjoncturelle, sauf dans la mesure où celle-ci influence l'inflation future. Dans leur rapport de 2002, Artus et Wyplosz (CAE, 2002), démontrent l'existence d'une règle de Taylor[12] pour la BCE. [...]
[...] Pour Friedman, à court terme une politique monétaire d'expansion contribue à abaisser le chômage, mais assez vite les anticipations s'adaptent et à long terme la courbe de Philips est verticale (il devient vain d'arbitrer entre chômage et inflation par la politique monétaire). L'expérience valide la neutralité à long terme des variations de la masse monétaire. Sur la période 1960-1990, sur un échantillon de 110 pays, la corrélation est de 0,95 entre l'inflation et la croissance de la masse monétaire (Lucas, 1996). [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture