Peut-on parler d’un accroissement des inégalités dans le processus de mondialisation ?

Résumé du document

Il existe un consensus général, longtemps porté par les institutions de Bretton Woods, selon lequel la mondialisation n'est pas responsable d'un quelconque accroissement des inégalités. Cependant, ce consensus se heurte depuis quelques années à la position des mouvements alter-mondialistes, qui fustigent le « one way thinking » de ces institutions : selon eux, la mondialisation ferait le jeu des pays riches et creuserait les inégalités internes.

Nous verrons donc dans une première partie que les effets de la mondialisation sur l'évolution des inégalités demeurent largement incertains, puisque d'une part, les effets bénéfiques quant à la réduction des inégalités entre pays ne sont pas toujours vérifiés ; et d'autre part, le creusement des inégalités au sein des pays serait imputable, non pas à la mondialisation, mais à des causes internes à ces pays. (I)

Dans une seconde partie, nous verrons qu'il s'avère que le processus de mondialisation peut produire des tendances inégalitaires, et contraint donc les Etats à un certain nombre d'ajustements pour y faire face. Cela passe par une action au niveau des structures et des politiques internes, mais aussi au niveau international (II)

Extraits

[...] Quels sont les débats sur les causes des inégalités internes dans les pays riches ? La mondialisation a souvent été rendue responsable de la détérioration de la position des salariés peu qualifiés dans les pays développés du fait de la pression que les importations en provenance des pays à bas salaires exercent sur la rémunération des ouvriers. L'argument est fondé sur l'analyse traditionnelle de la théorie du commerce international : les importations de produits à faible valeur ajoutée en provenance des pays émergents concurrencent les produits locaux, et donc la main d'œuvre locale. [...]

[...] Dès lors, la lutte contre les inégalités doit s'attacher tant aux inégalités des chances qu'aux inégalités de fait. La lutte contre les inégalités des chances résulte de l'analyse d'AMARTYA SEN, selon lequel il convient non pas de lutter contre la pauvreté et les inégalités ex post (c'est-à-dire faire de la redistribution passive) mais d'éviter qu'elles ne constituent des trappes ex ante. Les politiques de lutte contre les inégalités doivent donc favoriser l'insertion économique, socioprofessionnelle et politique des catégories défavorisées, dans le souci de donner de nouvelles opportunités aux pauvres et afin d'éviter que la pauvreté ne devienne une trappe. [...]

[...] Et les Etats disposent de moyens pour les atténuer. Il est faux d'affirmer que la mondialisation a privé les Etats de tout moyen d'action en ce domaine. Les évolutions contrastées de pays soumis au même environnement extérieur, tant au Nord qu'au Sud, en témoignent. Dans les cas de la Chine, où les bénéfices de l'ouverture et des réformes économiques ont été inégalitairement répartis entre les provinces chinoises et parmi la population, on peut considérer qu'il s'agit là très largement d'une question de politique intérieure. [...]

[...] Peut-on parler d'un accroissement des inégalités dans le processus de mondialisation ? Selon le PNUD, les 3 plus grosses fortunes du monde possèdent plus que le PNB total du groupe des PMA, soit 600 millions d'habitants. Le débat sur les inégalités et sur le rapport entre mondialisation et inégalités, encore confidentiel au milieu des 90's, s'amplifie régulièrement avec la montée en puissance des mouvements anti- mondialisation libérale. D'emblée, il convient de ne pas confondre inégalités et pauvreté. Les inégalités correspondent à un écart de situation existant entre les individus d'un groupe particulier. [...]

[...] Conclusion : On voit donc que la relation entre le processus de mondialisation et la dynamique des inégalités de par le monde est très complexe. On ne peut se contenter, en effet, des données relatant l'inégalité mondiale, qui peuvent paraître impressionnantes mais ne correspondent à aucune réalité. Ces chiffres reflètent seulement des évolutions des inégalités internationales et internes en vérité assez complexes et différenciées. L'analyse remet même en cause la perception d'une augmentation généralisée des inégalités et de la pauvreté. [...]