« L'économie la plus avancée industriellement ne fait que révéler aux autres l'image de leur propre futur », écrit Marx, signalant que tous les pays sont censés passer par les mêmes étapes au cours de leur processus de développement… Au-delà, bien évidemment, de la portée idéologique de cette phrase, on trouve donc l'idée que l'accumulation se fait sur les mêmes bases quels que soient les pays. Comment expliquer alors les difficultés actuelles, tout du moins pour certains d'entre eux, des pays en développement (PED) ? La vision linéaire du développement nous indique qu'ils devraient être entrés dans le processus de développement, les pays riches montrant la voie et les modalités de ce processus : les PED n'auraient donc qu'à transposer les modèles de croissance qui ont fait leurs preuves par le passé. Par modèle de croissance, on entend l'ensemble des modalités que peur revêtir la croissance : il n'y a pas une croissance, mais des croissances. En effet, la croissance correspondant à l'augmentation générale du niveau de production dans un espace donné (et vaste : l'Etat-Nation bien souvent), il est logique qu'elle puisse être obtenue de différentes façons. Le tout, pour les PED, est de savoir quels modèles de croissance ont été les plus efficaces, et surtout s'ils peuvent être appliqués à leur situation particulière. Autrement dit, les PED doivent-ils s'inspirer de l'expérience des pays aujourd'hui développés pour chercher à imiter leurs modèles de croissance passés ? Cette question suppose d'identifier clairement les modèles de croissance en question, pour ensuite les confronter à la situation des PED. Nous verrons ainsi que, pour certains, Rostow en particulier, la question du caractère transposable des modèles de croissance ne se pose pas : elle est évidente. Néanmoins, il s'agira de nuancer cette vision linéaire en lui opposant ce qui fait la spécificité des problèmes de croissance des PED, ainsi que les modalités nouvelles que pourraient présenter la croissance des PED, notamment du fait des changements qui sont intervenus au niveau international depuis que l'Angleterre a entamé, la première, sa révolution industrielle.
[...] Les quatrième et cinquième étapes sont celles de la marche vers la maturité et de l'ère de la consommation de masse Précisons qu'il existe une sixième étape, moins connue, que Rostow évoquait comme un au-delà de la consommation de masse dans son premier ouvrage et qu'il développe dans d'autres essais[ii], affirmant que cette étape voit se développer l'Etat-Providence et l'augmentation du temps consacré aux loisirs. Quoi qu'il en soit, ces trois dernières étapes sont donc celle d'une croissance soutenue et vont dans le sens de plus de bien-être. Ce modèle est-il valable pour les PED ? Au vu des bonnes performances de la Chine, on pourrait croire que c'est le cas, d'autant plus qu'un des leading sectors de la Chine, le textile, correspond au leading sector de la première révolution industrielle. [...]
[...] Cette question suppose d'identifier clairement les modèles de croissance en question, pour ensuite les confronter à la situation des PED. Nous verrons ainsi que, pour certains, Rostow en particulier, la question du caractère transposable des modèles de croissance ne se pose pas : elle est évidente. Néanmoins, il s'agira de nuancer cette vision linéaire en lui opposant ce qui fait la spécificité des problèmes de croissance des PED, ainsi que les modalités nouvelles que pourraient présenter la croissance des PED, notamment du fait des changements qui sont intervenus au niveau international depuis que l'Angleterre a entamé, la première, sa révolution industrielle. [...]
[...] Dans le cadre d'une économie qui se mondialise, il semble plus pertinent pour les PED de s'inspirer des modèles de croissance des pays de la seconde révolution industrielle que de la Grande-Bretagne. Ce n'est que dans un second temps qu'ils pourront s'inspirer de la croissance intensive anglaise dans le cadre du libre-échange. Il y a donc bien des spécificités aux problèmes de croissance des PED, et non simplement un retard, en particulier du fait de la mondialisation qui suppose un protectionnisme temporaire. [...]
[...] L'une de ces différences est effectivement le cadre institutionnel, souvent beaucoup plus limité et moins cohérent dans les PED. Qu'il s'agisse d'une conséquence de la colonisation, qui aurait déstructuré l'économie des PED, comme le pensent certains, ou non, le résultat est que les PED doivent perfectionner leur architecture institutionnelle avant de pouvoir prétendre transposer le modèle de croissance qui a été le plus efficace, le fordisme. De plus, les colonies ont justement joué un rôle dans la croissance de la Révolution industrielle. [...]
[...] Cette libéralisation progressive va dans le sens des recommandations de List. On voit donc que, si libéralisation progressive il y l'Etat a un rôle à jouer, puisqu'il doit en quelque sorte ménager l'activité nationale avant de l'ouvrir à la concurrence étrangère. Afin que cette ouverture soit plus rapide, il peut, conformément aux analyses de Gerschenkron, participer au financement de l'industrialisation et de la croissance, en s'inspirant ici du modèle japonais. Ainsi, selon Ragnar Nurkse[x], seul l'Etat est à même de mettre en œuvre ce qu'il nomme le big push : l'Etat doit amorcer la pompe par des financements massifs, notamment de l'investissement dans les leading sectors. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture