Traiter en trois mille mots de la « nature de la pensée économique » peut paraître ambitieux voire orgueilleux. Et ce serait certainement le cas si nous voulions dégager, par-delà la multiplicité des écrits et des auteurs, une unique « essence » de la pensée économique, éternelle, immuable, qui s'appliquerait à chacun ; si nous voulions synthétiser deux mille cinq cent ans d'histoire de la pensée en une unique idée générale, qui capterait la « nature » de cette pensée, et s'appliquerait à chacun des textes que nous recevons de la tradition. Mais telle n'est pas notre ambition. Les traits que nous aimerions mettre en évidence dans ce travail sont plus simples et plus conformes à une attitude humble que réclame cet héritage.
[...] Un point de méthode cependant avant d'entreprendre de développer notre thèse. Il nous semble évident que la pensée économique est intimement liée aux faits économiques : ce sont les faits économiques, les évènements historiques qui ont réellement eu lieu, qui ont initialement donné à penser. Aussi tâcherons-nous de relier ce qui a été développé comme pensée économique par les grands auteurs, au contexte historique dans lequel ils ont vécu, autrement dit aux événements économiques dont ils ont été témoin. I. [...]
[...] Naissance de l'entreprise, concentration de la main d'œuvre avec création d'une nouvelle classe sociale, les ouvriers ; nouvelle manière de travailler, avec la division du travail et la spécialisation : ce sont ces faits, caractéristique de la naissance du système industriel, qui ont demandés à cette époque à être pensés. Pour autant, la pensée économique de cette époque s'est-elle contentée d'être éthique ? Est-elle aller parler de vertu aux entrepreneurs, aux capitalistes, à ces nouveaux héros de l'épopée industrielle ? [...]
[...] La pensée économique moderne : une économie politique Distincte de cette approche philosophique de l'économie nous paraît être celle qui va être développée par les grands auteurs classiques, comme Smith, Ricardo et ensuite Marx. Dans leur analyse de la chose économique, leur pensée quitte les considérations éthiques pour s'occuper principalement du politique. Cela peut d'abord s'expliquer par un changement dans les faits économiques eux-mêmes, qu'il s'est agit pour ces auteurs de penser. Les Temps Modernes voient en effet l'apparition d'une manière d'organiser les activités économiques humaines que n'avaient pas connu l'Antiquité ni le Moyen Age : l'organisation industrielle du travail. [...]
[...] Après la physique, la chimie, la biologie, c'est au tour de l'économie de se mathématiser, à partir de la fin du XIXe siècle. On recherche avant tout à faire des modèles mathématiques du réel ; des enquêtes statistiques recueillent des données quantitatives du monde économique réel, et des simulations économétriques tentent de confronter les données aux modèles abstraits. La pensée économique a sur ce point profondément changé, dans sa forme : on fait appel à l'idéographie mathématique plutôt qu'à la langue naturelle, au calcul davantage qu'au raisonnement, à la logique quantitative, axiomatico-déductive, davantage qu'à l'argumentation. [...]
[...] Et cette institution de la prospérité comme bien public (nous dirions aujourd'hui : de la croissance), se retrouve dans l'ensemble de la pensée économique de cette période. Turgot s'intéresse en effet en priorité à la « formation des richesses », Adam Smith publie son livre sur l'origine de la « richesse des nations » ; la célèbre théorie des avantages comparatifs de Ricardo recherche quelle spécialisation internationale de la production produit le maximum de richesses ; et même Marx, que l'on pourrait le plus volontiers rapprocher d'une pensée philosophique et éthique, même Marx ne conteste jamais, au contraire, le progrès que constitue le développement inouïe des forces de production dont il est témoin, et dont la lutte des classes doit au contraire permettre la poursuite indéfinie. [...]
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