Paradoxalement, si les années 1890 en Europe ont signé la fin de la période de libre-échange commencée avec l'abolition effective des Corn Laws au Royaume-Uni en 1848, elles marquent également une accélération des échanges entre les nations, une extension des zones géographiques concernées par l'échange marchand, une mobilité sans précédent de la main-d'oeuvre faiblement qualifiée et une augmentation conséquente des flux financiers à l'échelle mondiale. On peut considérer que ce phénomène de mondialisation, c'est à dire d'extension à la planète entière, et à partir de l'Europe, de l'espace des échanges marchands (biens services et capitaux) et des mouvements de population , qui s'arrêtera net avec la première guerre mondiale en 1914, débute avec la révolution industrielle à la fin du XVIIIème siècle qui permet, par le progrès technique et scientifique et par une augmentation sans précédent de la production de richesse, un accroissement radical des flux entre nations.
Il s'agit ici de savoir quelle place occupent les mutations économiques des années 1895 - 1914, c'est-à-dire les transformations profondes et durables qui concernent la production, la distribution, et la consommation de richesses en Europe durant cette période, dans ce processus que l'on nommera "mondialisation archaïque", définie, dans un premier temps, comme une première phase de mondialisation. La période 1895-1914 peut en effet "consacrer" le processus débuté un siècle auparavant et ainsi le "rendre durable et faire considérer comme légitime" (Le nouveau Petit Robert, 2007). Il représenterait alors, par le saut quantitatif qu'il sous-tend, l'apogée et la fin d'une première phase de mondialisation, l'achèvement d'un modèle que la révolution industrielle aurait engagé selon l'idée de Polanyi. Toutefois, nombreux sont les économistes qui, comme Bairoch ou Williamson, voient dans cette fin de siècle un phénomène nouveau, qualitativement différent de ce à quoi l'on a pu assister auparavant et n'hésitent pas à parler de "première mondialisation" pour qualifier cette période. Les mutations économiques de 1890 à 1914 ne consacreraient alors pas une période passée, mais initieraient une nouvelle phase dans l'histoire économique. Enfin il s'agirait de savoir si cette nouvelle phase dans les mutations économiques subies par l'Europe, peut-être englobée dans le phénomène de mondialisation au sens où l'on entend ce mot aujourd'hui, c'est-à-dire comme l'émergence d'un vaste marché mondial s'affranchissant des frontières politiques et limitant ainsi la capacité des Etats à influer sur l'activité économique de leur pays. À quel point le caractère archaïque, c'est-à-dire périmé, ancien de ce phénomène, le sépare de ce que l'on nomme habituellement mondialisation?
Les mutations économiques de 1890 à 1914 consacrent-elles le temps d'une mondialisation archaïque?
[...] Les mutations économiques de 1890 à 1914 consacrent-elles le temps d'une mondialisation archaïque ? Paradoxalement, si les années 1890 en Europe ont signé la fin de la période de libre-échange commencée avec l'abolition effective des Corn Laws au Royaume-Uni en 1848, elles marquent également une accélération des échanges entre les nations, une extension des zones géographiques concernées par l'échange marchand, une mobilité sans précédent de la main-d'oeuvre faiblement qualifiée et une augmentation conséquente des flux financiers à l'échelle mondiale. On peut considérer que ce phénomène de mondialisation, c'est-à-dire d'extension à la planète entière, et à partir de l'Europe, de l'espace des échanges marchands (biens services et capitaux) et des mouvements de population[1], qui s'arrêtera net avec la première guerre mondiale en 1914, débute avec la révolution industrielle à la fin du XVIIIème siècle qui permet, par le progrès technique et scientifique et par une augmentation sans précédent de la production de richesse, un accroissement radical des flux entre nations. [...]
[...] On peut expliquer ces accroissements significatifs par la reprise de l'activité économique en Europe à partir de 1895, notamment grâce à la seconde révolution industrielle s'appuyant sur l'électricité, le pétrole, l'acier mais aussi la chimie. Les exploitations agricoles bénéficient également de la mécanisation qui leur permet une amélioration de productivité et de rendement. Toutefois, en ce qui concerne les flux à l'échelle mondiale, cette période n'est pas seulement marquée par un accroissement quantitatif et l'on voit également un changement de nature de certains flux qui renforcent le processus de mondialisation. [...]
[...] Les transformations économiques entre 1890 et 1914 redessinent donc la carte des échanges marchands internationaux ainsi que l'espace de la production mondiale. Cette période est ainsi à l'origine des rapports de force économiques qui marquent la mondialisation actuelle et l'on pourrait en conclure, avec Brasseul, qu'il s'agit là du "vrai début de la mondialisation des économies"[12]. Nous allons pourtant voir que les mutations économiques de cette période ne correspondent pas à la définition de la mondialisation moderne et qu'il s'agit bien d'une phase de "mondialisation archaïque" c'est-à-dire révolue. [...]
[...] Outre ces améliorations techniques, la mise en place de certains outils juridiques va également permettre une facilitation des échanges. Pour ne donner qu'un exemple, on peut citer la mise en place et la généralisation de l'étalon or institué en Grande-Bretagne en 1816, puis en Allemagne en 1872 et enfin adopté par la France en 1878. Ce système permet la convertibilité de tout billet de banque en or auprès de la banque centrale d'émission et ouvre également la possibilité d'exporter cet or. [...]
[...] C'est ainsi qu'en des importations en Europe étaient constituées de produits bruts, tandis que 60% de leurs exportations concernaient des produits issus de l'industrie. C'est toutefois au niveau des flux de capitaux que l'intégration des zones colonisées ou sous influence est la plus marquante. En effet, si en 1910 l'Europe exporte environ à 22% en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie, environ 50% de ses investissements à l'étranger se font ailleurs que dans les pays européens ou aux Etats-Unis[10]. [...]
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