Depuis les années 1960, on ne trouve quasiment nulle trace du concept de rente ni dans les débats économiques ni dans les manuels scolaires. En effet, bien que les expressions « rente viagère » ou encore « rente pétrolière » sont encore largement utilisées, le concept de rente tel que l'entendait les économistes classiques, qui furent les premiers à l'analyser, a été victime d'une banalisation, parfois d'une diabolisation, voire même d'un oubli pur et simple. Au sens premier, la rente désignait la redevance que les paysans versaient aux propriétaires des terres qu'ils utilisaient. Il était très utilisé dans le sens où il correspondait aux caractéristiques de l'économie de l'époque : prééminence des ressources naturelles dans la production, diversité des produits et de leurs origines, différenciation des conditions de production et des espaces.
Au fil du temps, le sens du concept s'est élargi, tant et si bien qu'il désigne aujourd'hui, selon la définition de Mickael Parkin et Robin Bade, le surplus de revenu que perçoivent les détenteurs d'un facteur de production par rapport au montant minimal qu'ils requièrent pour offrir ce facteur sur le marché. Dans cette optique, A. Marshall applique la théorie de la rente à toute situation où le stock disponible d'"instruments de production", qu'ils soient créés ou non par l'homme, apparaît comme limité et fixe.
Mais les acceptions du concept sont nombreuses : pour certains, il est le « droit de propriété » sur une ressource dont l'offre est peu élastique ou inélastique comme la terre, tandis que pour d'autres, à l'instar de Marx, et des tenants de la valeur travail, il n'est rien d'autre que « ce qui reste » après rémunération de tous ceux ayant contribué à la production.
Pourtant, le concept de rente ne semble pas dénué d'intérêt dans l'analyse économique contemporaine, comme sa supposée obsolescence tendrait à le faire croire ; recherchée par certains agents, condamnée par d'autres, la rente est toujours un élément décisif dans les choix et les dynamiques économiques, comme l'illustre la récente condamnation pour entente illicite des trois principaux opérateurs de téléphonie mobile français, qui cherchaient ainsi à gagner en parts de marché afin de s'octroyer une rente.
Aussi, quelles sont aujourd'hui la place et la valeur de la notion de rente dans l'étude des comportements des agents économiques ? Autrement dit, en quoi le concept de rente revêt-il une certaine utilité dans l'analyse économique contemporaine ?
[...] Le concept de rente est évolutif, ce qui lui confère une certaine utilité dans le cadre de l'analyse économique contemporaine, A. Le concept de rente justifie non seulement l'existence de profits anormaux *En CPP, le profit d'une entreprise provisoirement en situation dominante car elle a des coûts de production plus faibles que les autres est censé disparaître en longue période car la libre entrée et le jeu de la libre concurrence font que d'autres entreprises arrivent sur le marché, copiant l'innovation ou en apportant une nouvelle. [...]
[...] Mais ce type de rente est provisoire dans la mesure où elle tend à disparaître à cause de la concurrence des autres entreprises, libres d'entrer sur le marché. Les quasi-rentes rémunèrent notamment les brevets, les secrets de production et tous les facteurs rares qui peuvent disparaître progressivement ou plus brutalement. Enfin une dernière acceptation de la notion de rente est celle de la rente organisationnelle, qui a été avancée par les économistes néo- institutionnalistes. Ce type particulier de rente correspond aux avantages résultant de la signature d'un contrat entre 2 ou plusieurs agents. [...]
[...] En effet, le concept de rente est difficilement évaluable et relativement flou du point de vue de la justice sociale et de sa légitimité. Par exemple on peut se demander si la condamnation d'entreprises oligopolistiques, monopolistiques ou en situation de concurrence monopolistique est toujours légitime : en effet, si l'on adopte le point de vue de Schumpeter, la rente de monopole peut être vue comme la juste rétribution d'un entrepreneur hardi et courageux, qui a pris un risque en lançant une innovation, ce qui mérite une rétribution correspondant aux ‘gains de monopole Ainsi, on peut aujourd'hui se demander si Microsoft, qui a été poursuivi en justice pour la rente qu'elle s'était procurée au moyen, selon le ministère public, de manœuvres illégales avec pour objectif et effet de déjouer toute menace envers son pouvoir et son monopole bien établi pour les systèmes d'exploitation (Accords exclusifs avec les entreprises pour distribuer ses logiciels et ses produits au dépens de ses concurrents, distribution gratuite d'Internet explorer en le liant à Windows 98 ) méritait les mesures contraignantes qui lui sont imposées depuis 2002, dans la mesure où ses prix et ses pratiques abusives peuvent être considérées comme la rémunération légitime d'une technologie supérieure proposée par les dirigeants de Microsoft. [...]
[...] L'Etat va alors être amené à lancer des politiques anti-monopoles. *D'autre part, condamnation des monopoles et volonté de restreindre le pouvoir de marché des entreprises : Toutefois, la concurrence imparfaite est souvent combattue par les pouvoirs publics : la recherche de rente est en effet source de nombreux effets négatifs qu'il s'agit de corriger. La notion de rente nous permet donc de comprendre la raison d'être et les buts de certaines interventions publiques. En effet, les stratégies de rent-seeking ont un coût social, mais aussi un coût en termes d'efficacité puisque d'une part les marchés de concurrence imparfaite qui en résultent engendrent une production insuffisante et des prix de vente supérieurs au coût marginal de production. [...]
[...] L'entreprise qui possède les facteurs de production les moins efficaces (terres, emplacement, travailleurs ) ne réalise aucun profit tandis que les autres touchent une rente de la même façon que les détenteurs des terres productives chez Ricardo. Ainsi ce concept de rente peut s'appliquer à de nombreux marchés de facteurs de production dont l'offre est inélastique ou peu élastique. Par exemple sur le marché du travail, l'offre peut ne pas être élastique, on observe ainsi l'apparition de rentes : une entreprise x embauche 500 salariés qui n'acceptent cet emploi que s'ils touchent un salaire mensuel de 1000 euros. [...]
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