Kondratiev (1892-1938)

Résumé du document

Nikolaï Dimitrievich Kondratiev (Kondratieff) fut l'un des plus talentueux et influents économistes russes de la 1ère moitié du XXème siècle. Né le 4 mars 182 dans la province de Kostroma, au nord de Moscou, dans une famille de paysans, il étudia à l'université de St-Pétersbourg, suivant notamment les cours de Tougan-Baranovski. Jeune économiste, ses premiers travaux portent essentiellement sur l'univers agricole et les problèmes de sécurité alimentaire. Eléments biographiques, ses oeuvres, ses théories, débats

Extraits

[...] Kondratiev emploie en effet des techniques statistiques relativement neuves pour son temps. Voyons cela plus précisément : tout d'abord les données. L'auteur observe la difficulté de trouver des données historiquement longues et suffisamment fiables. Aucun chiffre d'ailleurs n'est disponible avant la fin du XVIIIeme siècle. Comme les données sur la France et l'Angleterre étaient les plus complètes, ce sont avant tout sur les séries issues de ces deux pays que Kondratiev fonde le cœur de sa démonstration. Le traitement de ces différentes séries statistiques, ayant trait majoritairement aux prix, et en second lieu à la production, dépend ensuite de la présence ou non de trend séculaire. [...]

[...] En un certain sens, le programme de Kondratiev n'est pas sans rappeler le projet démesurément ambitieux de Marx. [Sur les problèmes épistémologiques, voir plus précisément le papier de Louça] Mais a contrario, on voit trop souvent le Kondratiev comme un outil de prévision, un cycle messianique, incompréhensible dans ses fondements, mais efficace dans sa régularité. Rappelons que l'exercice de la prévision est pour l'économiste un jeu perdu d'avance : une et une seule fois, un économiste à fait une prévision qui s'est révélée exacte, c'est Friedman, au début des 70's, quand il a annoncé un déplacement de la courbe de Phillips, et non le long de la courbe. [...]

[...] Ensuite seulement Kondratiev en vient à des séries authentiquement quantitatives. Et là, les résultats sont nettement plus mitigés. Sur les 21 séries quantitatives examinées par Kondratiev, ayant trait soit à la production, soit à la consommation portent les traces de fluctuations longues ( production mondiale de houille et de fonte, et en particulier en Angleterre, Allemagne, aux Etats-Unis ; consommation de houille et superficie d'avoine cultivée en France), tandis que les 10 autres n'en présentent absolument pas ( consommation de blé, coton, café, sucre et superficie cultivée de blé en France ; production d'acier, de laine, de sucre, nombre de métiers (industrie du coton) aux Etats-Unis ; production de fonte en Allemagne). [...]

[...] Partiellement voire complètement rangée au placard durant les Trente Glorieuses, l'hypothèse de cycles longs est réapparue avec force à partir du milieu des années 70 et continue sa cure de jouvence, soutenue par le contexte de crise de confiance dans les schémas explicatifs classiques de la dépression. La croissance américaine des années 90, par sa longueur exceptionnelle et la prégnance des NTIC, a contribué à conserver à la question son caractère énigmatique et actuel. Pour suivre Bosserelle, on peut donc détecter trois grandes phases dans la filiation de Kondratiev. La première commence avec Kondratiev et Van Gelderen, et s'étend jusqu'aux années 45-50. [...]

[...] Enfin, last but not least, alors que les séries brutes des prix de gros présentent, avant 1930, des cycles longs identifiables sans aucun traitement statistique, plus aucune vague n'est détectable sur ces mêmes séries après 1945. Ceci pourrait démontrer un changement radical de régime de croissance à partir de la fin de la guerre, le secteur agricole quittant définitivement sa fonction prédominante, qui en faisait un secteur clé du développement depuis toujours. Mais quand on connaît l'importance des problèmes agricoles dans le tiers monde, on se dit qu'un abandon aussi rapide du Kondratiev sur cette base sent la gageure. Doit-on conclure, avec Bosserelle, au mythe du Kondratiev ? Rien est moins sûr. [...]