« Les spéculateurs peuvent être aussi inoffensifs que des bulles d'air dans un courant régulier d'entreprise. Mais la situation devient sérieuse lorsque l'entreprise n'est plus qu'une bulle d'air dans le tourbillon spéculatif. Lorsque, dans un pays, le développement du capital devient le sous-produit de l'activité d'un casino, il risque de s'accomplir en des conditions défectueuses", écrivait Keynes en 1936, dans sa Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie (éd. Payot, 1982, page 171).
Ce décalage entre la sphère réelle et la sphère financière typique des « économies de casino » a été dénoncé par Keynes suite à la grande crise de 1929. A la faveur de la crise mondiale actuelle, Keynes revient à la mode et les politiques de relance décriées à partir des années 1980 sont aujourd'hui de nouveau considérées comme un remède pour endiguer la récession. Mais, en réalité, le keynésianisme qui se développe et triomphe pendant les Trente Glorieuses est une forme hybride qui se présente sous le courant dominant, qu'on a appelé la synthèse néoclassique - car on cherche à y concilier la macroéconomie keynésienne et la microéconomie néoclassique -. Alors, s'agit-il véritablement d'un retour de Keynes ou d'un retour au keynésianisme, qu'il faut distinguer de la pensée de Keynes. Cette dernière est différente, plus riche, plus complexe et plus radicale que le keynésianisme qui s'imposera dans l'après-guerre. En effet, la théorie économique s'inscrivait pour Keynes dans une vision d'ensemble de la société, appuyée sur des fondements éthiques et constructivistes.
Finalement, selon que l'on s'intéresse à Keynes ou au keynésianisme, le diagnostic et les remèdes apportés à la crise actuelle vont avoir une portée différente : soit la crise est considérée comme une pathologie du système contre laquelle il faut agir de façon localisée et transitoire (« le keynésianisme hydraulique »), soit elle est un moment de rupture inhérent au système capitaliste et il faut mettre en place des mécanismes structurels permettant une réelle régulation.
Ainsi, si face à la crise actuelle et plus largement aux déséquilibres économiques, les solutions keynésiennes peuvent paraître appropriées, elles ont aussi engendré des effets contre-productifs.
Pour autant, le consensus actuel qui tend à privilégier des plans de relance keynésiens ne suffit pas à ressusciter Keynes et la complexité de sa pensée.
[...] Keynes estimait que ces anticipations jouaient un rôle extrêmement important. Lorsque tous anticipent un ralentissement de l'activité, la demande effective (qui, dans son langage, ne désignait pas la demande observée, mais la demande attendue) aboutit à geler nombre de projets d'investissement, ce qui engendre une contraction effective (d'où le terme) de l'activité par une sorte d'autoréalisation. Ce que nous craignons se concrétise précisément parce que cela influence nos actes, dans le domaine économique comme sans doute dans d'autres domaines. Loin d'être un mécanisme équilibrant, les forces du marché aggravent encore la situation. [...]
[...] Mais sous couvert d'un plan de relance européen, esquissé par la Commission européenne, chaque pays a en réalité élaboré sa stratégie dans son coin, en ayant soin de privilégier ses producteurs nationaux : soit en insistant sur l'investissement public en infrastructures et le soutien aux entreprises (le choix de la France), soit en laissant sa monnaie se déprécier pour baisser le coût des produits locaux (la stratégie britannique). Et rien dans tout cela ne dessine un projet européen lisible capable de restaurer la confiance dans l'avenir du continent. [...]
[...] Le déficit budgétaire devient la règle ( à du PIB de 1959 à 1963 en France) et la création monétaire est le moyen privilégié de financement de ce déficit. Donc, l'équilibre spontané de plein-emploi devient une exception. Les Trente Glorieuses (1945-1975) sont alors été marquées par une dynamique extraordinaire. À l'échelle historique, on n'avait jamais connu un tel enrichissement : en 1968, le taux de croissance se situait depuis plus de vingt ans aux alentours de par an, ce qui correspond à une richesse qui double tous les quinze ans. [...]
[...] Par ailleurs, les mécanismes qui ont conduit à ces deux épisodes présentent des ressemblances troublantes. Enfin, les mesures envisagées actuellement pour atténuer les conséquences de la crise évoquent certaines politiques mises en œuvre aux États-Unis par Roosevelt. II/ Le retour à des solutions keynésiennes pour sortir de la crise ne suffit pas à ressusciter Keynes Les politiques semblent avoir retenu la leçon de la crise des années 1930 puisqu'ils sont, cette fois-ci, intervenus massivement pour sauver le système bancaire et pour mettre en œuvre des politiques inspirées de la pensée keynésienne. [...]
[...] Le reste consiste en mesures plus ciblées, mais davantage sur les secteurs en difficulté (le BTP, l'automobile) que sur les individus vulnérables. Même chose côté du côté de la politique monétaire. Les taux directeurs de la Réserve fédérale américaine ont baissé de 5 points depuis leur pic d'avant-crise, ceux de la Banque centrale européenne (BCE) de 2,75 points seulement. De plus, à partir de l'automne 2008, la Fed s'est mise à financer directement toute l'économie en se substituant aux banques défaillantes. [...]
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