En 2003, l'affaire « Gemplus » a connu un certain retentissement dans les médias français, permettant l'entrée d'un nouveau vocable sur la scène française : l'intelligence économique. Apparu au milieu des années 1980 aux Etats-Unis, le terme d'intelligence économique désigne la prise en compte au sein des entreprises de l'importance de l'information sous toutes ses formes : production, recueil, analyse, utilisation…etc. Le concept a été étendu au niveau étatique dans une conception globale qui vise à défendre les intérêts nationaux sur un plan industriel, économique et au-delà militaire.
Historiquement, le concept d'intelligence économique est ancien puisqu'il est pratiqué par les Anglais depuis l'essor du royaume, les Japonais en font de même depuis l'après-guerre. Cependant, il a été formulé pour la première en 1986 par Michael Porter dans le cadre d'une conférence à Harvard. Ce dernier démontre la capacité des entreprises meneuses à surveiller et analyser l'activité des concurrentes, il donne une définition simple de ce qu'il appelle la « competitive intelligence » : « donner la bonne information, à la bonne personne, au bon moment, pour prendre la bonne décision ». En réalité, le concept d'intelligence économique est multiforme. D'un côté, il concerne les entreprises dans des activités de veille concurrentielle afin de gagner des parts de marchés et de se protéger de ses concurrents. De l'autre, il confère aux Etats une place spécifique puisque ces derniers produisent et gèrent une quantité d'informations importante, à même d'être utile pour les entreprises et l'économie nationale. Sans aller jusqu'à la guerre économique, les Etats développés intègrent systématiquement dans leur législation des éléments de sécurité économique qui visent à protéger l'économie nationale contre des agressions de tout type. C'est ce second aspect qui nous intéresse ici, quels sont les outils institutionnels et doctrinaux que les Etats sont à même de développer pour garantir leur sécurité économique ?
[...] Un rapport du Parlement européen d'avril 1999 a confirmé l'usage par les Etats- Unis de cet outil qui constitue une source d'avantage commercial pour leurs sociétés Le rôle du réseau Echelon est souvent cité dans une affaire de contrat d'équipement au Brésil où la société américaine Raytheon l'aurait emporté face au français Thomson-CSF, suite à des révélations de corruptions permises par l'exploitation des communications de la compagnie française. Un cas identique est rapporté au détriment d'Airbus en Arabie Saoudite. Cette évolution des liens entre privé et services fédéraux semble donc être allé au-delà d'une simple coordination en contrevenant parfois au Sherman Antitrust Act de 1890 qui réprime toute atteinte à la libre concurrence (les tribunaux américains se refuseraient à l'appliquer). [...]
[...] Toutefois l'importance de la sécurité économique était déjà présente dans l'ordonnance du 7 janvier 1959 qui définit la défense nationale selon trois piliers : militaire, civil et économique conduisant ainsi au concept de défense globale qui se limite néanmoins à adopter une posture défensive. En 1994, le rapport Martre est le premier à traiter d'intelligence économique. En 1995, le comité pour la compétitivité et la sécurité économique (CCSE) est créé afin de conseiller le gouvernement en terme d'intelligence économique. Cependant le rapport du député B. [...]
[...] En permettant d'identifiant les cibles stratégiques, l'intelligence économique au niveau gouvernemental permet la promotion des technologies nécessaire au maintien du rang de première puissance et elle permet aussi la protection d'un patrimoine technologique. Sur ce point, citons la fusion inaboutie de Lucent (numéro un américain sur les nouvelles technologies de l'information) et d'Alcatel, le Committee on Foreign Investments in the United States (CFIUS) a identifié le danger que pouvait représenter la perte de contrôle sur les laboratoires de recherche du groupe, qui ne comptaient pas moins de six détenteurs du prix Nobel. [...]
[...] Cependant il serait restrictif d'envisager l'intelligence économique du seul point de vue de l'enjeu de puissance. Bien que marquée du sceau de l'Administration fédérale, le concept d'intelligence économique américaine peut s'inscrire dans le cadre large de l'influence américaine. En effet, le concept fait usage de tous les éléments classiquement intégrés au soft power Tout d'abord, l'évolution du cadre économique international rend légitime ce type de démarche puisque les Etats ont perdu en partie la capacité de contrôle qui était la leur. [...]
[...] Le cas américain symbolise cette redéfinition des liens entre économie et politique dans un cadre renouvelé où s'affiche la volonté de maintenir la puissance et l'influence de la nation. Dans un contexte où la stratégie américaine doit se redessiner avec la disparition de l'ennemi soviétique, on assiste à une évolution au sein de l'appareil de renseignement américain à l'initiative du directeur de la CIA Robert Gates qui note en 1992 l'importance du renseignement de nature économique. Son successeur James Woolsey reprend à son compte le thème de l'intelligence économique la présentant comme le sujet le plus brûlant de la politique du renseignement en 1993. [...]
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