« Le Fonds monétaire ne peut prévenir toutes les crises, ni ne cherche à le faire. Eliminer toutes les crises serait énormément coûteux ». C'est en ces termes que Anne Krueger, première directrice générale adjointe du Fonds monétaire international (FMI) justifie en 2004, lors d'une conférence de presse, les vives critiques dont est victime le Fonds depuis les échecs cuisants que l'institution a essuyé dans la gestion des crises financières qui ont surgi au milieu des années 90. Créé par les accords de Bretton Woods en 1944, le FMI se voit attribuer la mission d'assurer la stabilité des taux de changes « fixes mais ajustables » dans les différents pays, mais également de veiller à la stabilité des politiques budgétaires et monétaires des pays. Ce n'est qu'en 1973, suite au premier choc pétrolier et à la disparition du système de Bretton Woods, que le FMI se voit dans l'obligation de redéfinir son rôle et sa mission, devenues inutiles du fait de la disparition du système de fixité des taux de change. L'instauration d'un système de changes flottants va avoir des effets néfastes pour les pays en développement (PED), les plongeant souvent dans de graves crises financières. Crises de balance des paiements dans les années 80, ces crises vont se transformer dans les années 90 en crises d'un genre nouveau, dites systémiques, du fait de la libéralisation excessive des marchés de capitaux prônée dans les objectifs du consensus de Washington. Ces crises trouvent désormais essentiellement leur origine dans l'endettement privé des entreprises.
Lorsqu'éclate la crise mexicaine en 1994, M. Camdessus, alors directeur du Fonds, qualifie celle-ci de « première crise du XXIe siècle ». Les crises qui ponctuent les années 90 confirment l'appréciation de M. Camdessus. Ces crises manifestent à des niveaux plus ou moins importants, les mêmes caractéristiques inédites que la crise mexicaine: surgie brusquement, la crise s'étend rapidement à l'ensemble des secteurs de l'économie, cause des ravages sur les marchés financiers, et s'avère difficile à prévenir et à contenir, même en recourant à l'aide massive des pouvoirs publics. Qualifiées de « systémiques », les crises qui ébranlent le monde au cours des années 1990 se distinguent des précédentes à la fois de par leur caractère relativement imprévisible, mais également par leur caractère « boule de neige » à l'intérieur du pays touché par la crise, mais également à l'international. Enfin, ces crises dites de liquidité provoquées par un endettement excessif vis-à-vis des investisseurs étrangers, combinent les facteurs communs que sont une crise de change et une fuite massive des capitaux. Partie du Mexique en 1994, la crise atteint l'Asie du Sud-est en 1997, puis la Russie en 1998, et l'Argentine en 1999.
La gestion opérée par le FMI au cours de ces crises suscite de nombreuses critiques, concernant à la fois son incapacité à prévoir et prévenir ces crises. Par ailleurs, le Fonds se voit reproché les mesures financières et d'accompagnement mises en place pour tenter de résorber ces crises et d'empêcher leur diffusion internationale. L'efficacité de cette gestion peut s'apprécier au vue de la durée qui a été nécessaire aux pays pour retrouver une certaine stabilité, mais également au vue des conséquences de la gestion de la crise sur la situation économique et sociale du pays touché. Au regard des actions intentées par le FMI face aux crises asiatique, russe, et argentine, il convient de se demander dans quelle mesure les critiques intentées au FMI quant à la prévention et à la résolution des crises sont fondées. Ainsi, il s'agit de savoir dans quelle mesure le modèle d'ajustement préconisé par le FMI est-il adapté aux spécificités des crises systémiques.
Après avoir étudié les difficultés rencontrées par le FMI dans la prévision et la prévention des crises, les limites des mesures mises en place par l'institution dans la tentative de leur résolution seront expliquées. Il apparaîtra finalement que malgré les erreurs commises par le FMI lors de la gestion des dernières crises systémiques, ces échecs ne sont pas imputables à cette seule institution, car impliquant d'autres facteurs sur lesquels le FMI n'est pas en mesure d'influer.
[...] L'aléa moral peut ainsi être défini comme l'effet que peut avoir sur le comportement d'un agent une assurance sur les risques qu'il encourt C'est le rôle même de prêteur en dernier ressort qui est mis en accusation ; en effet, nombre d'observateurs constatent que le FMI aurait, lors de la résolution des crises asiatique, russe et argentine, permis aux investisseurs privés de se retirer sans avoir à subir les conséquences de la crise. Ce renflouement des investisseurs privés aurait ainsi été rendu possible du fait que le FMI aurait compensé leurs pertes à partir de ses propres fonds publics. Cet aléa moral aurait donc encouragé les investisseurs à prendre des risques excessifs. Cette critique a principalement été développée par J. [...]
[...] Ainsi, dans le cas de la Russie, on peut noter que le FMI accorde en 1996 un crédit, en marge des élections présidentielles. Le président Eltsine peut difficilement se faire réélire alors qu'il dévalue le rouble ; c'est pourquoi le prêt consenti par le FMI permet à la Russie de maintenir des taux artificiellement élevés jusqu'en 1998, taux qui lui permettent de rembourser à court terme sa dette interne, et maintenant artificiellement stable le taux de change surévalué du rouble; mais le programme mis en place pour soutenir ce prêt n'est instauré que sporadiquement. [...]
[...] Ainsi, le FMI est-il particulièrement attentif à la surveillance de l'inflation qui serait selon ses économistes le signe de la mauvaise santé économique d'un pays. Le FMI veille également à l'état des comptes courants rapportés au PIB, de même qu'à l'état de la dette publique. Cependant, ces d'indicateurs macroéconomiques, valables pour la crise mexicaine, qui était une crise de balance de paiements, s'avèrent inadéquats pour porter un diagnostic adapté à l'Asie ou à la Russie, où surgissent des crises de liquidité engendrées par l'endettement privé. [...]
[...] La même année, un nouveau dispositif financier a été créé, le Contingent Credit Lines, mis à la disposition des pays qui ont des politiques économiques saines, mais qui subissent l'affaiblissement de la confiance du marché financier. Cependant, pour que ces adaptations portent des fruits réels, la coopération et l'engagement de la part des Etats sont indispensables. Pour l'instant, celle-ci reste relativement faible. A titre d'exemple, seulement 11 pays se sont engagés pour mettre en place les normes du GDDS. Ainsi, une réforme du FMI ne suffirait pas à endiguer les crises ; celle-ci doit être accompagnée d'un engagement réel des Etats. [...]
[...] Le second volet de mesures touche la politique monétaire et de change ; le FMI fait mettre en place une politique restrictive qui se traduit par des hausses importantes des taux d'intérêt. L'ambition est alors de freiner, par un mécanisme de prix, les sorties rapides de capitaux nationaux et internationaux, afin de ralentir la chute de la parité, et d'amortir les impacts économiques sur la santé financière du système productif et des banques, très endettées internationalement à court terme. Parallèlement, l'injection de volumes importants de devises, provenant de financements du FMI ou de ses partenaires multilatéraux, devait contribuer à atteindre l'objectif, tandis que des filets de sécurité c'est-à-dire des volumes financiers annoncés, mais non décaissés, étaient mis en place par les grands pays comme l'Argentine. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture