Les années 1970 représentent un tournant majeur dans l'histoire économique occidentale : l'effondrement du système de changes fixes de Breton Woods qui suit la décision de Nixon de suspendre la convertibilité du dollar en 1971, les chocs pétroliers et l'essoufflement des gains de productivité sonnent le glas de la croissance auto-entretenue et la fin de l'Etat planificateur économique. S'ensuit alors un retour au marché, notamment via la libéralisation des marchés de capitaux. La globalisation financière qui s'est opérée depuis a transformé les modes de financement de l'activité. L'augmentation des financements sur marchés de capitaux et la mobiliérisation des actifs bancaires ont rendu l'opposition Economie d'endettement / Economie de marché de capitaux, théorisée par J.Hicks, caduque.
On peut légitimement parler de financiarisation de l'économie dans le sens où toute activité économique entretient désormais des liens avec les systèmes de finance mondiale qui impriment leurs propres dynamiques. Cette montée en puissance de la finance modèle les champs de l'économie réelle, que ce soit au niveau de la croissance économique, des équilibres macro comme le taux d'investissement, le taux d'épargne, le taux de consommation, le rapport profit-salaire.
Les dynamiques engendrées sont alors multiformes et ont redessiné le circuit de distribution des richesses. On observe toutefois que si elles ont élargi le champ du financement, elles ont resserré son emploi, enfermant de plus en plus l'économie dans le « tout finance ».
[...] Or, la consommation qui provient des salaires et des minima sociaux reste un déterminant très important de la croissance économique, notamment dans un pays comme la France. Le share-holding opère donc une compression sur deux des trois composantes de la demande que sont l'investissement et la consommation, et pénalise par cela la croissance. Si la financiarisation de l'économie a permis un réel accroissement des richesses et la convergence de nombreux pays, elle a aussi transformé la gestion des entreprises avec des conséquences néfastes sur l'investissement et le partage de la valeur ajoutée, qui mettent en danger les équilibres économiques et sociaux de nos économies réelles. [...]
[...] Ceci s'explique par le fait que l'augmentation de la capacité d'autofinancement (épargne rapportée à l'investissement) a surtout été affectée à des investissements financiers, dans la logique de consolidation boursière de l'entreprise explicitée plus haut : placements financiers, rachats d'action ou désendettement La part des emplois financiers a largement dépassé les emplois productifs. C'est là un effet de la financiarisation de la gestion entrepreneuriale : les stratégies d'investissement sont dictées par les actionnaires dans des perspectives de rentabilité immédiate. On passe du stake-holding ou gouvernance entrepreneuriale au share-holding, gouvernance actionnariale. Ceci se fait au détriment de l'investissement productif, ce qui est une tendance réellement alarmante : comment monter des projets de long terme dans de telles conditions ? [...]
[...] Il n'en reste pas moins que l'inégalité dans le partage de la richesse produite est criante. On a observé dès les années 1990 au Japon, depuis le début des années 2000 aux Etats-Unis et en Allemagne et depuis 2003 en France [ ] une croissance de la productivité plus forte que celle du salaire réel. Jean Gadrey dans un article du Monde[13] dresse un tableau comparé de l'évolution du pouvoir d'achat du portefeuille CAC40, des salaires et d'un minimum social, le RMI : en vingt ans (1988-2008, période intégrant donc les récentes chutes boursières le premier a vu son pouvoir d'achat augmenter de 120%, les seconds de 15% et le troisième de 5%. [...]
[...] La libéralisation des marchés financiers a provoqué une désintermédiation bancaire. Les entreprises peuvent directement faire appel à des financements sur les marchés via l'émission de titres. Elles sont donc d'une certaine façon moins dépendantes des banques (dont les exigences pouvaient être accrues par leur position de force) face à l'augmentation des acteurs offrant leurs capitaux. Même si ce sont les banques et assurances qui tiennent encore les marchés financiers, elles sont aujourd'hui plus prestataires de service que bailleurs de fond et exercent moins de conditions sur l'accès au financement. [...]
[...] La gestion collective de l'épargne par ces fonds produit alors un effet pervers sur la gouvernance des entreprises. L'entreprise étant considérée comme un actif pur dont la valeur serait à maximiser[9], les exigences des actionnaires se font pressantes sur la nature de la rentabilité attendue de leur placement : des retours à court voire très court terme, avec des taux élevés, d'où cette idée de mythe des 15% L'entreprise comme actif pur c'est aussi la conception qui sous-tend les stratégies de valorisation des cotations boursières. [...]
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