Eugene Fama, Robert J. Shiller, sciences économiques, économiste, courant de pensée, débat académique, Prix Nobel, actifs financiers, outils empiriques, marché financier, efficience du marché, indice Case-Shiller, prix d'un actif, dividende, prix historiques, valeur immobilière
La boutade d'un autre économiste titulaire du prix Nobel, américain Robert Lucas "I guess everyone is a Keynesian in a foxhole" en 2008 décrit avec un trait d'humour la diversité des points de vue dans la littérature de sciences économiques - qui est temporairement mise de côté en période de crise économique. La diversité des points de vue ne se manifeste pas seulement par la multiplication des écoles de pensées, mais également par les interprétations en opposition à des épisodes historiques significatifs, comme la crise financière de 2008, et des origines de celle-ci. Robert Shiller et Eugene Fama sont deux exemples pertinents de cette diversité de pensée et d'outils économiques. Le premier a publié un ouvrage grand public intitulé 'Animal Spirits' (esprits animaux) qui synthétise ses travaux académiques en mettant l'accent sur les aspects d'irrationalité dans la prise de décision d'agents économiques. Le second est connu pour avoir développé l'hypothèse du marché efficient, où les interactions des agents économiques assurent une utilisation optimale de l'information disponible. Pour Shiller, la crise financière est le résultat d'une 'exubérance irrationnelle' pour reprendre le terme formulé par l'ancien gouverneur de la Réserve fédérale américaine, Alan Greenspan. Pour Fama, l'efficience du marché n'est pas remise en cause, mais la prédominance d'informations privées qui a empêché les mécanismes de marché de fonctionner normalement. Malgré ces visions diamétralement opposées, les deux économistes ainsi que Lars Peter Hansen ont été récipiendaires du prix Nobel de la banque de Suède pour leurs analyses empiriques sur les marchés d'actifs financiers en 2013.
[...] On peut désormais comprendre comment Fama et Shiller, en s'intéressant aux dynamiques des actifs financiers peuvent arriver à des conclusions différentes : leurs analyses économiques ne peuvent pas être comparées d'une manière pertinente car elles puisent leurs données sur des horizons temporels, et dépendent de techniques d'analyse de données différentes. III. La diversité de courants de pensée nécessaire au débat académique en sciences économiques Au-delà des différences des résultats obtenus, ou des données utilisées par les deux économistes, ce sont deux visions différentes - mais finalement pas si opposées l'une à l'autre qu'on ne le pense. [...]
[...] Pour Fama donc, l'efficience du marché financier est un concept nuancé qui est tributaire du type d'information disponible à l'investisseur. Shiller quant à lui adopte une approche différente: en 19815 il remet en cause l'hypothèse d'efficience du marché. Son article prend comme point de départ la définition consensuelle du prix d'une action sur le marché boursier comme la valeur actualisée des flux futurs de dividendes. En comparant la valeur prédite de cette définition avec l'évolution observée des prix des actions, il trouve que la première est beaucoup plus stable dans son évolution. [...]
[...] En la relâchant petit à petit, on se rapproche des concepts développés par Shiller. C'est grâce à la confrontation des idées développés par les uns et les autres que les sciences économiques arrivent à innover. En conférent le prix Nobel à trois profils, le comité renvoie à ce programme de recherche à travers le débat académique : deux écoles de pensées quant au concept de rationalité de l'agent économique sur les marchés financiers, et un empiriciste qui développe des outils statistiques pour valider ou rejeter les hypothèses émises par l'un et l'autre. [...]
[...] De prime abord, on ne peut que la décision du comité du prix Nobel relevait de la schizophrénie - comment peut-on récompenser les contributions de deux économistes3 dont les conclusions sont diamétralement opposées ? Pour répondre à cette question, on procède comme suit : dans un premier temps, on propose un récapitulatif des principales contributions respectives de Shiller et Fama à la littérature académique sur le prix des actifs financiers. Dans une deuxième partie, nous relèverons les points communs, mais surtout les points de désaccords en expliquant l'origine méthodologique de cette opposition entre les deux écoles de pensées. [...]
[...] Durant les cinquante dernières années, ce résultat à priori paradoxal a été étudié et analysé par les trois économistes, qui ont offert des conclusions contradictoires. Fama résume dans sa revue de littérature en 19704 les principaux résultats qui caractérisent son école de pensée : le marché financier est un outil d'allocation de capitaux des détenteurs d'excédents de liquidités aux porteurs de projets d'investissement. Un marché walrassien devrait traiter les prix d'actifs financiers comme des signaux véridiques, reflétant toute l'information disponible aux détenteurs et investisseurs de capitaux. [...]
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