« Point de propriété sans liberté, point de liberté sans sûreté » : voilà le postulat de départ de P. Dupont de Nemours (1739-1817), économiste et homme politique français. Le terme « sûreté » peut évidemment être considéré en son sens régalien mais il incarne ici une réalité bien différente puisqu'il s'agit de sûreté matérielle.
C'est ainsi que l'Etat, initialement limité aux seules fonctions régaliennes ( défense, police, monnaie, affaires étrangères, diplomatie…) se verra progressivement assigner une nouvelle mission, celle de garantir à la population un niveau minimum de bien être notamment au travers d'un vaste système de protection sociale.
Cette première grande conception de l'Etat Providence vit le jour en Allemagne sous Bismarck, à la fin du XIXème siècle et se diffusa très rapidement en Europe, si bien qu'à l'heure actuelle, comme le démontre Esping Andersen trois systèmes principaux coexistent : le modèle bismarckien, conservateur, reposant sur un système d'assurance sociale obligatoire généralisée (Allemagne, France…), le modèle béveridgien, plus libéral, s'appuyant sur une logique d'assistance et non d'assurance et accordant un rôle prépondérant aux mécanismes de marché (Grande-Bretagne, Etats-Unis…) et le modèle social démocrate, reposant sur des interventions fortes de l'Etat et assurant une protection sociale élevée (Suède, Norvège…).
Malgré cette multiplicité de régimes, il existe, comme le démontre R. Musgrave, des fonctions communes : une fonction d'affectation, de répartition, et de stabilisation.
Après la seconde guerre mondiale, dans la plupart des pays développés, l'intervention croissante de l'état annonce une restructuration progressive du système de protection sociale, pilier incontestable de l'Etat Providence. Au sommet de son efficacité durant les Trente Glorieuses, l'Etat Providence traversera, à partir des années 1970, et ce, dans la plupart des pays développés, suite au premier choc pétrolier, une crise durable, remettant en cause ses principes fondamentaux.
En effet, dès le début des années 1980, de nombreux économistes, Pierre Rosanvallon en tête, font part, au travers de leurs ouvrages, de leur profonde inquiétude quant à la crise ébranlant l'Etat Providence keynésien.
Bien que chaque modèle soit régi par des mesures spécifiques, ils reposent tous, à différents degrés, sur une même base : la solidarité nationale.
La solidarité caractéristique de cet Etat est-elle remise en cause ? La finalité égalitaire de l'Etat Providence n'est-elle pas sacrifiée au profit d'une économie plus performante, stigmatisant les catégories les plus pauvres de la population ?
Ces dysfonctionnements de l'Etat Providence liés notamment aux changements économiques et sociaux (I) tenteront d'être maîtrisés, de façon plus ou moins efficace par le biais de réformes (II).
[...] De nombreuses enquêtes menées par le département d'Etat de santé, ont démontré le retard intolérable du système de santé britannique par rapport au autres pays de l'OCDE : manque de médecins ( 1.8 médecin pour 1000 habitants), délais d'attente inacceptables (parfois plus d'un an) pour certaines opérations chirurgicales Cette crise financière du Welfare britannique n'a pourtant rien d'étonnant : entre 1979 et 1997, la part des dépenses de santé ne représentait que du budget, contre en moyenne pour les autres pays de l'OCDE. Le sous investissement en est la principale cause. [...]
[...] Une crise multiforme : le déclin de l'édifice social ? L'Etat Providence traverse indéniablement une crise, celle-ci est d'autant plus difficile à résorber qu'elle est revêt divers aspects : elle remet, d'une part en cause ses modalités de financement et, d'autre part, jette le doute sur l'efficacité des politiques de relance keynésiennes face à l'augmentation des disparités sociales, tout en remettant en question les fondements même du système Difficultés financières et réformes infructueuses L'Etat Providence, au sommet de son efficacité durant les Trente Glorieuses, s'est vu, au milieu des années 1970, confronté à une crise financière sans précédents, ayant pour principale conséquence d'augmenter les dépenses sociales et de réduire les ressources destinées à les financer En outre, les mesures prises par les différents gouvernements n'ont pas toujours contribué à l'amélioration de la situation, laissant ainsi un retard conséquent du point de vu de la protection sociale. [...]
[...] En 2003, plus d' millions de personnes percevaient le RMI. Néanmoins ce nouvel outil de solidarité comporte des faiblesses : son montant est en deçà du seuil de pauvreté, et le volet d'insertion fonctionne mal puisqu'à peine la moitié des allocataires finissent par exercer une activité rémunérée. C'est la raison pour laquelle, face à cet échec relatif, ce dispositif a été complété, en 2003, par le RMA. Celui-ci, réservé aux personnes percevant le RMI depuis au moins 2 ans a pour but d'aider les allocataires à sortir de l'assistanat : il s'agit d'un contrat de travail à temps partiel rémunéré au SMIC. [...]
[...] Ainsi, seul l'Etat peut rompre le cercle vicieux de la dépression. Les gouvernements successifs mettront en place des plans de redressement qui s'avèreront néanmoins être d'une efficacité mitigée puisque les comptes de cette dernière oscilleront entre soldes positifs et négatifs pour passer, de 1990 à 1998 à un déficit permanent. Il s'agira donc en premier lieu de baisser les dépenses de santé en augmentant par exemple la part payée par les usagers dans les frais médicaux et d'augmenter les ressources par le biais d'une hausse des cotisations sociale payées par les salariés. [...]
[...] En effet, le principe sur lequel se base les réformes est simple: chacun doit recevoir des prestations à un niveau correspondant au montant des cotisations versées. De ce fait la réduction de la couverture sociale garantie par les assurances sociales est inévitable. Ainsi, les français sont de plus en plus dépendants de leur mutuelle complémentaire, chargée de rembourser les frais non pris en charge par la sécurité sociale .Néanmoins les catégories les plus défavorisées ne peuvent se les payer : se dirige-t-on vers une individualisation de la protection sociale ? [...]
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