L'un des domaines les plus débattus de la science économique au cours du dernier demi-siècle concerne la détection des facteurs qui commandent la croissance et le développement ; faute de pouvoir tout expliquer par les quantités de capital et de travail employées, le progrès technique ou la formation du capital humain, les théoriciens ont cherché à intégrer dans leurs « modèles » de nouvelles variables destinées à représenter les caractéristiques culturelles de chaque nation. Pour l'Américain Huntington par exemple, la culture influence l'activité économique en affectant les caractéristiques personnelles de la population : honnêteté, goût de l'épargne, volonté de travailler, ouverture sur l'étranger ; parmi ces variables explicatives, il était logique d'introduire les facteurs religieux.
[...] Pourtant, ces recherches ont été relativement tardives ; faute de données statistiques suffisantes, elles remontent pour l'essentiel à la fin du siècle dernier ; on peut citer entre autres les travaux d'un économiste américain de renom, Robert Barro, qui s'appuie sur six grandes enquêtes internationales effectuées entre 1981 et 1999. Mais l'insuffisance des données n'explique pas tout. Dans le domaine des sciences sociales, les relations entre ces données, le sens des causalités, ne sont pas simples. Lorsqu'on étudie les facteurs de la croissance, on se demande si et de quelle manière les comportements religieux influencent les performances économiques globales. [...]
[...] Il est vrai qu'avec la mondialisation, le développement des échanges internationaux et l'intensification des flux migratoires, on assiste sur tous les continents et dans la plupart des pays à un renforcement du pluralisme religieux. Cette diversification de l'offre religieuse peut alors favoriser une sorte de consumérisme : l'individu est supposé se comporter en consommateur désireux de se construire une sorte de religion à la carte et non comme le fidèle des grandes religions traditionnelles, ce qui contraint ces dernières à s'adapter. Les perspectives ouvertes par ce type de réflexions sont à la source du succès d'une discipline relativement nouvelle : l'économie de la religion. Indications bibliographiques. [...]
[...] Dans ce débat, le propos de l'économiste reste plus modeste, qu'il s'agisse de l'analyse statistique ou théorique. Les travaux statistiques montrent que les principaux indicateurs de la religiosité qu'il s'agisse des croyances ou de la pratique, tendent à décliner quand le produit ou revenu par tête augmente, autrement dit quand le niveau de vie s'élève. La difficulté est que le développement économique n'a pas qu'une seule dimension, l'élévation du revenu par tête ; il implique la modification de nombreuses autres variables économiques, politiques et sociales. [...]
[...] Le rôle de la pratique est pourtant plus complexe. Tout dépend en effet de l'efficacité des Églises dans l'accomplissement de leur mission. À cet égard, Robert Barro propose de considérer la religion comme un secteur particulier de l'économie nationale ; le produit de ce secteur est constitué par les croyances ; quant aux ressources productives utilisées, qu'il s'agisse de temps ou de biens (ou de leur valeur en monnaie), elles sont mesurées par l'importance de la pratique. Dès lors, pour un niveau de croyances donné, une augmentation de la pratique signifie que le secteur religieux devient moins productif. [...]
[...] Tous ces éléments ont des impacts spécifiques sur la religiosité. En bref, les indicateurs de la religiosité sont reliés positivement au niveau d'éducation ; ce sont les catégories les moins instruites qui ont tendance à rejoindre les mouvements fondamentalistes ou les sectes. En revanche, la religiosité diminue avec l'urbanisation, mais elle augmente avec la proportion de jeunes (moins de 15 ans) dans la population. Elle est sans lien avec la proportion de personnes âgées (plus de 65 ans) et la longueur de l'espérance de vie. [...]
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