Sans vouloir rendre compte ici de l'ensemble des théories, il importe de souligner la permanence, dans le champ de l'analyse économique, de thématiques comme les déséquilibres et les contradictions engendrées par tout phénomène de croissance et de développement, d'un point de vue social ou environnemental
[...] Pour que le développement durable entre de plain-pied dans le champ de l'analyse économique, il faudra avant tout lui associer des indicateurs solides. Sans être de nature purement économique, la question du développement durable va obliger les économistes à bousculer les limites de leur discipline, à renouveler leur approche dans une perspective interdisciplinaire prenant en compte les trois dimensions économique, environnementale et sociétale. A force de se concentrer sur des offres et des demandes à court terme et sur les rapports de prix qui en découlent, l'économie semble avoir négligé les causes plus fondamentales de la rareté - celles qui tiennent à l'écoulement du temps, à la dégradation irréversible de certaines ressources, au caractère forcement limité des ressources naturelles. [...]
[...] Le modèle établi par Jacques Theys illustre bien la complexité du problème. La structure élaborée comprend dix modules. Elle doit permettre d'apprécier dans quelle mesure une certaine dynamique de développement (module est susceptible de satisfaire les besoins des générations présentes et futures (modules 6 à grâce à un renouvellement approprié des différentes formes de capitaux et de patrimoine [ou des capacités de reproduction des systèmes écologiques] (modules 2 à 5). Il a par ailleurs semblé utile, dans ce schéma bouclé, mais linéaire, d'introduire la dimension de l'aléa, de l'imprévisible : un dernier module est censé regrouper des informations sur la capacité des systèmes analysés à réagir à des événements extérieurs ou à des ruptures, ce qui renvoie à des problématiques de dépendance, de vulnérabilité ou de flexibilité (module 10). [...]
[...] Ainsi la croissance a-t-elle été appréhendée comme une augmentation du produit économique global, alors que le développement se définit plutôt par un changement d'ordre qualitatif. François Perroux, qui a particulièrement insisté sur le distinguo croissance/développement, définit alors le développement comme la combinaison des changements mentaux et sociaux d'une population qui la rendent apte à faire croître, cumulativement et durablement, son produit réel global Les théories du développement, qui se multiplient par la suite, vont tâcher d'intégrer la question de l'environnement dans leur problématique et donnent ainsi naissance à l'éco-développement. [...]
[...] Ainsi peut-on lire, dans le livre III du Capital : une société entière, une nation et même toutes les sociétés contemporaines réunis ne sont pas les propriétaires de la terre. Elles n'en sont que les possesseurs, elles n'en ont que la jouissance et doivent la léguer aux générations futures après l'avoir améliorée. Du fait de l'épuisement à long terme des ressources naturelles, certains économistes comme Antoine-Augustin Cournot ou William Stanley Jevons envisagent ce qu'ils nomment la fin du progrès : Puisque le genre de richesses naturelles, qui est l'instrument le plus actif d'une civilisation raffinée, s'épuise graduellement et se consume avec une rapidité d'autant plus grande que la civilisation et l'industrie font plus de progrès, il semble que cet épuisement graduel soit le danger le plus menaçant dans l'avenir de la civilisation même Par la suite, la révolution keynésienne remet en cause le concept de croissance économique auto-entretenue, et démontre qu'une certaine équité sociale va de pair avec l'efficacité économique du système capitaliste - ce qui n'est pas sans rappeler l'idée d'un développement durable devant concilier les objectifs économiques et sociaux. [...]
[...] Néanmoins, à long terme, il apparaît que le développement du capitalisme va se trouver borné par le jeu d'une contrainte naturelle. Cette contrainte peut être d'ordre démographique : le principe de population de Robert Malthus montre qu'une croissance démographique très supérieure à la croissance des moyens de subsistance constitue un frein au développement. En 1848, John Stuart Mill évoque une éthique environnementale censée permettre l'instauration d'un développement durable, grâce au concept d'état stationnaire : J'avoue, écrit-il, que je ne suis pas enchanté de l'idéal de vie que nous présentent ceux qui croient que l'état normal de l'homme est de lutter sans fin pour se tirer d'affaire, que cette mêlée où l'on se foule aux pieds, où l'on se coudoie, où l'on s'écrase, où l'on se marche sur les talons et qui est le type de la société actuelle, au lieu d'être simplement une des phases désagréables du progrès industriel. [...]
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