Les recherches qui s'inscrivent dans le champ de l'approche industrielle examinent le rôle des effets de l'industrie, tels que la concentration du marché et les barrières à l'entrée, sur la performance des firmes. Leurs résultats soutiennent largement le fait que la structure de l'industrie est un important déterminant de la performance. Pour expliquer la performance des firmes, c'est l'industrie qui est considérée comme unité d'analyse et non pas la firme elle-même. En stratégie, la recherche et l'explication de l'avantage concurrentiel comme source de performance des firmes est une question centrale. Elles ont fait l'objet de vives controverses entre les tenants de l'analyse externe représentés par l'approche « industrielle » et les tenants de l'analyse interne représentés par l'approche « ressources et compétences ». Alors que l'empreinte porterienne (1986, 1988) dominait l'analyse stratégique jusqu'à la fin des années 1980, « the resource-based view of strategy is arguably the dominant theoretical foundation in strategic management today » (Stieglitz et Heine, 2007). Comment l'approche industrielle (le cadre d'analyse porterien) rend-telle compte du concept d'avantage concurrentiel ?
0- Introduction
L'évolution des concepts et analyses théoriques en économie en général et en management stratégique en particulier est étroitement liée à la mutation du système capitaliste et des organisations industrielles qui le composent. Si le modèle taylorien de production peut expliquer la croissance quasi continue pendant les trente glorieuses (Fourastié, 1979), les fondements des nouvelles théories de la croissance renvoient quant à elles à l'innovation, à l'accumulation des connaissances et au progrès technologique. On peut retrouver cette même logique d'évolution dans le domaine du management stratégique. Cette dernière s'apparente à une internalisation progressive des éléments explicatifs à travers l'exploration de la « boite noire ».
Les travaux académiques traitant de la stratégie font souvent référence à la performance des firmes et aux conditions de réalisation de l'avantage concurrentiel. Leur raisonnement porte moins sur l'objectif des firmes que sur les moyens d'atteindre cet objectif. Les uns partent de facteurs exogènes pour expliquer la performance des firmes, alors que d'autres empruntent une logique inverse . La théorie des ressources tente d'expliquer l'hétérogénéité des firmes en insistant sur l'idiosyncrasie et la mobilité restreinte des ressources stratégiques. Ces deux hypothèses dérivent implicitement de l'histoire et de la trajectoire propres à chaque firme.
Dans la tradition de l'analyse industrielle - qui remonte aux travaux fondateurs de Mason (1939) et de Bain (1956) dont est issu le triptyque SCP revisité ensuite par Scherer (1970)- la firme n'est supposée influencer ni la structure de l'industrie ni sa propre performance. Cette perspective soutient que la stratégie des firmes est conditionnée par les forces structurelles de l'industrie. Autrement dit, l'action des firmes n'est pas indépendante, et par conséquent, elle peut être ignorée. On retrouve cette même logique – à quelques exceptions près - dans d'autres recherches qui s'intéressent au déterminisme de l'environnement telles que la théorie de l'écologie des populations (Hannan et Freeman, 1977) et la théorie de la contingence (Lawrence et Lorsch, 1989).
Au cours des années 1980, le cadre d'analyse proposé par Porter (1986, 1988) s'inspire de la tradition de l'économie industrielle mais diverge partiellement sur l'unité d'analyse de base : firme vs industrie. Contrairement à la perspective de l'économie industrielle, les stratégies concurrentielles et leur interaction avec la structure de l'industrie occupent une place prépondérante dans l'explication de la performance des firmes. Autrement dit, la principale différence entre les deux perspectives est le recentrage progressif de l'analyse de la performance d'un niveau purement « méso-économique » -c'est à dire l'industrie- à un niveau « microéconomique » -c'est à dire la firme-, une caractéristique de la recherche en management stratégique.
Finalement, en dépit de leur convergence concernant l'unité d'analyse de base (la firme), la RBV et la théorie porterienne divergent sur l'explication des différences de performances observées entre les firmes. Pour la première théorie, les ressources sont à l'origine des choix stratégiques des firmes, alors que pour la seconde théorie, les ressources ne représentent qu'une position intermédiaire dans la chaine de causalité puisqu'elles sont la conséquence des choix stratégiques (activités) de la firme. L'objet de ce document de travail est de présenter les principaux fondements de l'approche porterienne de la performance, elle sera appuyée par les résultats des études empiriques sur le sujet.
Le succès d'une firme est défini par Porter (1991) comme une position concurrentielle relative qui assure une performance financière supérieure et durable. Ce succès est fonction de l'attractivité de l'industrie où la firme opère et de sa relative position dans cette industrie. Si l'objectif pour toute firme est d'atteindre une position concurrentielle favorable en fonction des forces présentes dans l'industrie, comment la firme doit-elle faire pour atteindre cet objectif ? Selon Porter, la réponse à cette question est : par la stratégie. La stratégie concurrentielle repose sur les activités de la firme. Ces activités doivent être spécifiques, c'est à dire différenciées des activités des concurrents. Dans le cadre d'analyse porterien, l'influence de la stratégie et de la structure de l'industrie sur la performance des firmes est clairement identifiée.
C'est certainement les activités de la firme et le positionnement concurrentiel qui désormais occupent une place centrale dans le cadre d'analyse de Porter au détriment de l'industrie, et ce, en dépit de son inspiration de l'économie industrielle. Ce « choix » amène l'auteur à considérer dans son article « Towards a Dynamic Theory of Strategy » de 1991 les activités et le positionnement de la firme comme une combinaison fertile qui permet d'asseoir une théorie dynamique de la stratégie. Alors que les tenants de la RBV se penchent sur la recherche d'autres éléments explicatifs de la performance, Porter (1996) distingue l'efficacité opérationnelle de la stratégie. Nous reviendrons sur cette notion dans les développements qui suivent.
[...] Ces deux effets sont étroitement liés puisque –comme nous l'avons dit précédemment- les actions stratégiques des firmes peuvent exercer une influence sur la structure de l'industrie. Toutefois, en dépit de leur effet simultané, la structure de l'industrie et le positionnement stratégique affectent des niveaux distincts de la performance. Selon Porter (1991), l'effet de la structure de l'industrie affecte la soutenabilité (the sustainability) de la performance, tandis que le positionnement stratégique reflète la capacité de la firme à établir un avantage concurrentiel par rapport à ses concurrents. [...]
[...] Southwest Airlines a acquis un avantage concurrentiel, et par conséquent une performance supérieure à la moyenne du secteur, grâce à un choix d'activités adaptées à une demande spécifique: proposer des vols peu coûteux, entre des villes moyennes, en passant par des aéroports secondaires pour assurer une meilleure fluidité, et un minimum de services périphériques (bagages, repas, billetterie). Porter (1996) identifie trois sources de positionnement stratégique. La première est le positionnement par assortiment qui correspond à un choix de produits/services variés pour une large clientèle. Habituellement, ces produits ou services sont proposés à des prix réduits, mais ne couvrent qu'une partie des besoins des clients. [...]
[...] Dans ce cas, la formulation de la stratégie est vue comme une intention prospective et s'appuie sur d'autres éléments que les paramètres de l'industrie. Les limites du cadre d'analyse classique de la stratégie ont induit des réflexions nouvelles centrées sur l'analyse des facteurs internes à la firme. L'approche par les ressources est sans doute celle qui a marqué le début de la remise en cause de l'analyse porterienne en s'appuyant sur une variable contextuelle de taille : les nouvelles formes de concurrence apparues dans le courant des années quatre-vingt. [...]
[...] Le tableau ci- dessous résume les principales études empiriques sur la question de l'origine de la performance des firmes. Ce tableau, une synthèse tirée de Bowman et Helfat (2001) et de Hadida (2002), inclut également les recherches empiriques issues de la perspective RBV. Tableau 1 : Les principaux résultats des études empiriques sur l'origine de la performance *FTC : Données de la Federal Trade Commission **LOB : abréviation de Line of Business (branche d'activité) L'idée défendue par la perspective de l'approche industrielle selon laquelle la structure de l'industrie (Schmalensee ; Wernerfelt et Montgomery ; McGahan et Porter, 1997) est un déterminant important de la performance est, on l'a vu, partiellement vérifiée par les études empiriques. [...]
[...] Cette nouvelle donne a révélé un bon nombre d'insuffisances de l'approche porterienne fondée sur l'adaptation et le positionnement. L'exemple de la réussite des entreprises japonaises, et particulièrement leur percée sur les marchés internationaux, était fondé sur un système de production et de management alternatif conjuguant à la fois le coût et la différenciation des produits. Cette stratégie a concilié des avantages concurrentiels contraires à la vision des choix exclusifs défendue par Porter dans ce qu'il appelle le risque d'enlisement dans la voie médiane. [...]
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